La lumière d’EL, émanant de sa Couronne au sommet de la Création, n’atteignait jamais les canyons des Labyrinthes. Pourtant, une clarté nouvelle circulait entre les bastions.
Depuis le duel rituel et la défaite de Nariel, une onde de renouveau s’était répandue dans les profondeurs de Guebourah. Michaël, désormais reconnu comme Phosphoros par une majorité de command’ailes locaux, ne perdit pas de temps. El n’avait pas le luxe de la lenteur. L’ennemi rôdait encore. Chaque heure de statu quo coûtait des âmes.
La loi guébouréenne était formelle : qui triomphe du command’aile devient command’aile. Ainsi, Léoniel, malgré sa jeunesse et son tempérament réservé, se retrouva à la tête des bastions de l’Abîme. Mais le respect ne vient pas des lois seules, et les puissances des Labyrinthes, façonnées par la dureté, l’expérience et le sang, observèrent le nouveau venu avec une prudence glaciale. On le saluait, on se tenait droit à son passage, mais les regards restaient méfiants, les ordres, parfois discutés.
Michaël, conscient de cela, resta à ses côtés. El tissait des ondes d’autorité dans le réseau EL, des boucles de reconnaissance, des bénédictions silencieuses qui coulaient vers Léoniel à chaque prise de parole, à chaque rassemblement, à chaque briefing tactique. Petit à petit, la méfiance s’effrita. Léoniel ne s’imposa pas par la force, mais par la constance, la rigueur, la retenue. El n’imitait pas Nariel. El n’élevait pas la voix. El n’humiliait pas. El commandait, simplement. Et ceux qui doutaient finirent par le suivre, car el ne faiblissait pas.
Les ordres affluèrent. Premiers concernés : les bastions périphériques. Abandonnés depuis des années à leur survie, ils reçurent des plans de réorganisation stratégique. Certains furent démantelés, d’autres consolidés. Des lignes de communication furent rouvertes grâce aux efforts conjoints des nouvelles vertus relais et des chérubins récupérés par Asmodée avant sa disparition.
Sous la conduite de Michaël Fitzarch, ou plutôt, Phosphoros, tel qu’on l’appelait désormais dans les couloirs étroits et les arches éventrées, une vaste réorganisation débuta. Dans chaque bastion, les vertus étaient reclassées selon leurs talents réels, et non leur rang hiérarchique. Michaël avait fait publier, via le réseau EL, une grille d’aptitudes mentales et thaumaturgiques inspirée de la Chapelle de Hod. Chaque vertu y passait pour que les plus douées puissent être promues en tant que relais, coordinatrices ou stratèges locales.
Dans les labyrinthes, on vit apparaître les premières “vertus-commandailes”, une anomalie jusque-là impensable dans la tradition guébouréenne. Certaines s’offusquèrent. Mais la majorité suivit. Phosphoros les inspirait. Son halo pulsait toujours, même dans l’ombre, et ceux qui passaient près de lui affirmaient se sentir plus vivants, plus lucides, plus dignes.
Mais une question revenait, lancinante, dans les couloirs.
Les fresques.
La rumeur de leur existence s’était répandue aussi vite que la lumière de Michaël. Dans une salle cachée, au creux des entrailles de Varon-Kel, des fresques anciennes représentaient des azohim, non pas cloîtrées dans leurs sanctuaires comme le voulait la loi des primordieux, mais libres, dansantes, guerrières, oratrices, soigneuses. C’était une hérésie.
— Une fiction, disaient certains. Une invention.
— Une prophétie ? suggéraient d'autres, frémissants.
— Ou… une vérité oubliée ?
Dans les bastions, les vertus chuchotaient. Les puissances, plus pragmatiques, haussaient les épaules mais gardaient l’oreille tendue. Quant aux command’ailes, beaucoup attendaient : que ferait Michaël de cela ?
Les forges azohiennes furent scellées, sur ordre de Phosphoros el-même. Mais les autres machines furent réveillées, sous surveillance. Asmodée avait lancé les travaux, Michaël les poursuivit. El plaça une équipe de chérubins sous la direction directe de son cercle stratégique. Et cette fois, aucun bastion n’avait autorité pour les bloquer.
Mais le génie curieux d’Asmodée manquait. Michael le décida, il fallait retrouver le chérubin pour remettre en marche les machines, et bannir la nuit des labyrinthes.
Ainsi, Michael se rendit dans la salle des machines, et y attendit Léoniel.
Le vent profond des conduits hurlait dans la salle des machines. L’écho des forges désactivées se répercutait contre les arches de métal ancien, comme un soupir oublié. Michaël se tenait seul au centre, une main posée sur le châssis tiède d’un cocon vide. Son halo, d’un orange flamboyant, pulsait dans la pénombre, baignant les fresques murales d’une lumière étrange. Les azohim y semblaient presque vivantes.
— Te voilà, murmura une voix derrière el.
Léoniel.
Michaël ne se retourna pas. El sourit à peine, imperceptiblement. Léoniel s’approcha. El portait encore la tunique de command’aile, tachée de suie, de sang séché. Ses ailes n’étaient pas repliées : elles étaient tombées dans son dos, grandes, lourdes. El semblait fatigué. Éreinté. Et inquiet.
— Il faut que je retrouve Asmodée, dit simplement Michaël.
— Tu crois qu’el est encore vivant ? demanda Léoniel à mi-voix.
— Je le sens.
Cette fois, Michaël leva les yeux vers el. Et dans ces prunelles dilatées par des nuits blanches et des transes successives, Léoniel vit quelque chose. Une fixité. Une intensité irréelle. Trop intense. Trop calme.
— Michaël, dit-el en s’approchant lentement, il faut qu’on parle.
— Faut plutôt qu’on agisse, s’agaça Michael.
— Il faut qu’on parle de ce “Phosphoros”.
Michael sourit.
— J’ai enfin comprit, sourit la jeune vertu. Ma destinée, le sens de ma vie. Je suis l’hôte de Phosphoros ! D’un primordieu !
Léoniel dévisagea Michael comme si el sortait d’une unité psychiatrique.
— Oh ne fait pas comme si tu ne le savais pas ! s’énerva le Fitzarch. Je sais très bien que tu travailles pour Géhenna ! Et je sais très bien que c’est Géhenna qui a tout organisé ! Avec mon Père aussi.
Le regard de Léoniel se fit soudain fuyant.
— Travailler pour quelqu’un c’est une chose. Croire en leurs délires, c’est autre chose. Et voir ces délires prendre vie, alors ça…
Michael ricana.
— Depuis des années j’entends cette voix dans la mienne, expliqua Michael. Une voix enflammée qui se manifeste lorsque je m’emballe pour le combat, pour mes ambitions, mes convictions… Je ne savais pas ce que c’était. A vrai dire, je ne me posait même pas la question. Mais maintenant, je comprends tout ! Pourquoi on m’a toujours traité bizarrement… Pourquoi il m’est arrivé des trucs de dingue !
— Tu le prends plutôt bien, constata Léoniel.
— J’imagine, soupira Michael. C’est… comme une révélation, un soulagement, mais aussi une évidence…
Léoniel se remit à étudier son amant du regard. Ne poses pas trop de questions qui le pousseraient à l’introspection, avait ordonné Satanachia. Malgré sa propre curiosité, Léoniel se retint donc.
— Michael… Phosphoros t’a parlé ? demanda la puissance.
— Non, révéla Michael. Pas encore. Mais je l’entend, sa voix, ses pensées…
— Ah ? fit Léoniel. Et ça, dit-el en désignant les fresques azohiennes, qu’est-ce que c’est ? Une invention ? Une hérésie ? Une vérité refoulée ?
Michaël ne répondit pas immédiatement. El posa son front contre la fresque, ferma les yeux. Puis répondit, d’une voix nette, presque trop nette :
— C’est une hérésie. Un mensonge gravé dans la roche. Une tentative de perturber les lois du Porteur de Lumière.
Mais Léoniel, lui, n’écoutait plus vraiment les mots. Il observait le halo de Michaël. Et dans son éclat trop stable, trop parfait, el perçut une vibration infime. Un battement d’aile étouffé. Un doute. Mais Michael ne le laissa pas parler. El se redressa, ses ailes bruissantes.
— Il faut retrouver Asmodée. Sans el, les machines resteront silencieuses. Et sans les machines… pas de victoire.
— Tu crois qu’el a fui ? demanda Léoniel.
Michaël secoua la tête.
☿ — Oui, par les téléporteurs. Et en voyageant jusqu’à leur destination el a sûrement découvert quelque chose. Quelque chose que je cherche depuis des millénaires.
El se tourna vers Léoniel, les yeux brûlants.
☿ — Et je vais le retrouver. Même si je dois retourner tous ces Labyrinthes des millénaires encore.
Léoniel frémit, chose rare pour une puissance.
— Retrouver quoi ? demanda-t-el.
Michael sortit un petit cristal noir de sa proche.
☿ — Cette chose, enfin, le reste, sourit Michael. Il s’agit d’un fragment de noyau azohien.
— Hein ?
☿ — Un bout de cerveau d’azoha, littéralement, affirma Michaël. Je suis à la recherche des fragments de cette azoha depuis des millénaires, répéta-t-el.
Léoniel, stupéfait, se sut quoi dire. Des millénaires ? Michael avait 28 ans… C’était bel et bien Phosphoros qui parlait là.
— Je ne comprenais pas tout cela avant, expliqua Michael. Je me promenais avec ce petit artefact sans comprendre de quoi il s’agissait vraiment. Mais en fait, c’est simple, c’est la clé du retour de Phosphoros.
— Ah oui, “simple”, balbutia Léoniel. Et comment as-tu compris la vérité alors ? osa demander la puissance.
— Phosphoros me l’a expliqué… Enfin, c’est apparu dans mon esprit, clair comme de l’eau de roche, quand j’ai vu la fresque. Tu sais pourquoi ? Parce que le prochain fragment est tout près. Ça m’a comme qui dirait réveillé. Enfin, ça a réveillé Phosphoros. El avait été endormi par le châtiment de Burrhus que j’ai subit à Hod, mais maintenant, el se réveille de nouveau, enfin !
Léoniel déglutit. El avait du mal à suivre et avait sincèrement l’impression de parler à un patient en psychiatrie. Mais Phosphoros était bien là. Michael disait vrai.
— Phosphoros te parle ? demanda Léoniel.
— Pas exactement… Mais, j’entends ses pensées. Elles s’expriment à travers moi parfois.
— En effet…
— Mais tu es sûr que toi ça va ?
— Oui, sourit Michael. Ça va très bien. J’accomplis ma destinée, enfin !
☿ Je renonce au secret, sur ma route vers la Divinité☿
♂
Les jours s’écoulèrent, chargés de veilles tendues, d’interrogations stériles. Malgré tous les efforts déployés, les chérubins-ingénieurs peinaient à décrypter le fonctionnement des téléporteurs anciens. Leur interface cristalline refusait toute logique contemporaine. Trop de protocoles corrompus, trop de runes oubliées, trop de mises en veille codées par des mains mortes depuis des millénaires. Michaël assistait à chaque séance d’analyse, les bras croisés, son halo palpitant d’impatience. Rien n’y faisait. Asmodée restait introuvable.
Alors Michaël changea de stratégie.
Dans une réunion d’urgence, el convoqua tous les command’ailes des Labyrinthes. Leurs visages apparaissaient en projection holographique au-dessus de la table stratégique, cerclés de fatigue, de cendres et de doutes. Le réseau EL transmettait à peine leur voix, parfois coupée par les interférences abyssales.
Mais Michaël parlait avec une force neuve.
— Assez d’attendre. Assez de défendre. Nous pourrions errer mille ans encore dans ces tunnels et perdre peu à peu tout ce que nous avons. Le temps est venu de reprendre l’initiative.
Un murmure courut parmi les hologrammes. Michaël poursuivit :
— Je veux que vous meniez des campagnes offensives. Coordonnées. Progressives. Réfléchies. Nous allons reprendre les bastions tombés. Ceux dont on a oublié jusqu’aux noms.
— Vous… vous êtes sérieux ? s’étrangla la command’aile de Bastion 6. Nos troupes sont à peine stabilisées. Nos effectifs sont jeunes. Fragiles. Vous voulez les envoyer à l’abattoir ?
— Pas sans préparation, répliqua Michaël. Des vertus de Hod seront intégrées dans chaque unité. Des lignes de soins, des relais de coordination, des systèmes de repli. Ce ne sera pas une avancée aveugle. Ce sera une reconquête.
Un autre command’aile, vêtu d’une armure couverte d’impacts, secoua la tête.
— Même ainsi… avez-vous vu ce que les bastions perdus sont devenus ? Ce ne sont plus des postes. Ce sont des gueules ouvertes sur le Néant. Nos cartes elles-mêmes ne sont pas fiables. Bref, ce sont des ruines inutilisables.
— Et combien de temps allons-nous laisser ces abîmes nous regarder en silence ? trancha Michaël. La peur ne nous sauvera pas. C’est nous, désormais, qui devons devenir le cauchemar des démons. Nous les annihilerons, et nous reconstruirons nos bastions.
Un silence profond s’installa. Des halos frémirent à travers le réseau. Plusieurs command’ailes échangèrent des regards. Els doutaient. Mais l’aura de Michaël les tenait. El brillait. Non plus comme une vertu égarée dans les ténèbres… mais comme un astre, un phare au cœur de la nuit. La puissance de Phosphoros avait du mal à se contenir.
— Nous allons mourir, finit par dire l’un des command’aile les plus anciens.
☿ — Peut-être, répondit Michaël. Mais cette fois, vous… nous mourrons en avançant.
Lentement, l’adhésion gagna. Des voix se joignirent à la sienne. D’abord timides, puis claires. Le premier bastion à reprendre serait Qoriel, perdu depuis trois mille cycles. Puis viendraient Har-Bael, Mor-Zarakh, et tous les autres noms effacés des plaques de pierre.
Après la réunion, Léoniel s’était éclipsé, fuyant les regards, les voix, la lumière. El errait désormais dans les galeries inférieures de la forteresse, où la roche suintait une moiteur lourde, presque organique. Son halo, réduit à une lueur pâle, vacillait.
Michaël brillait trop fort. Trop vite. Trop haut. Sans douter, el enchaînait les réformes, lançait des contre-offensives, proclamait des visions grandioses… Et el était écouté. Suivi. Obéi. Personne n’osait lui dire non.
Léoniel s’arrêta. Un souffle chaud remonta le couloir. El posa une main sur la pierre, comme pour puiser un peu de stabilité dans la matière. Comme tout le monde, el avait pensé que Michael était porté par sa force de Fitzarch. Oui, Michaël portait la graine de Sandalphon. Oui, el était le fils du Grand Architecte, un Fitzarch. Cette lignée modelée pour commander et vaincre. Cela expliquait beaucoup.
Mais il y avait aussi Phosphoros.
Où commençait Phosphoros ? Où s’arrêtait Michaël ? Les deux semblaient si bien alignés. Le primordieu avait bien choisi son hôte. Ou Géhenna l’avait bien choisi pour el ?
Dans les cathédrales de l’Ecclésia, on le chantait comme la face guerrière du Porteur de Lumière, l’un des sept primordiaux. Père des séraphins. Incarnation du Feu Sacré. Celui qui sauva les Cieux lors de la Première Brisure. El était un astre de guerre, passionné envers les élohim, impitoyable envers les démons. El disparut lors de la Seconde Brisure, comme les six autres primordiaux, à l’exception du Grand Architecte, reclus à Tiphéreth.
Et voilà qu’el revenait, en Michaël. Comment ? Pourquoi ? Nul ne pouvait le dire, sauf Géhenna.
Léoniel se remémora la première fois que son père l’avait emmené dans un des temples suintants de la secte. El pensa à Satanachia. À ses yeux étoilés. À ses mots voilés. À ses phrases qui dansaient comme des énigmes entre les strates du réseau EL.
— Tu seras le protecteur de Phosphoros. Le gardien de son hôte, avant son éclosion.
Pourquoi moi ?
Sparda avait toujours fait silence devant les prophéties de Satanachia. El avait accepté ses conseils, ses instructions, même quand ils sentaient le sang, l’inéluctable, le vertige.
Pourquoi les Labyrinthes avaient-ils été abandonnés si longtemps ? Pourquoi avait-on laissé les démons régner ici, lentement, comme une marée noire ?
Parce que ce n’était pas encore le bon moment. Parce que la prophétie devait s’aligner. Parce que Satanachia avait tout prévu. Cet endroit n’était pas un front délaissé. C’était une scène, un théâtre soigneusement préparé.
— Et moi, souffla Léoniel. Je suis un acteur…
El se demanda si sa loyauté envers Michaël était sienne… ou inscrite quelque part dans un plan plus vaste. El se rappela la fresque, les azohim, la colère de Michaël, et sa propre hésitation. El se rappela sa main, tendue vers le halo de Michaël, qui brûlait comme un astre. El se souvint de l’amour qu’el ressentait… et de la peur qu’el ne s’éteigne.
Mais trop tard pour reculer. El était là. El était son bouclier, son témoin. Et peut-être… sa conscience.
Léoniel reprit sa marche, lentement, vers les hauteurs du bastion. Vers Michaël. Vers la guerre.
♂
La salle du Conseil de Guerre, au cœur d’Olympus, baignait dans une lumière incandescente, tamisée par les vitraux sang-rubis représentant les légendes anciennes du royaume de Guebourah. La pièce, ovale et monumentale, était traversée de veines dorées coulant dans les murs polis. En son centre flottait un disque de cristal animé, affichant en hologramme les fronts de guerre. Autour, les ministres et les ducs des Monts de Tharsis, tous vêtus de tuniques héraldées et casques aux ailes repliées, trônaient sur des sièges de pierre gravée.
Camaël, l’archange-roi, siégeait au fond, drapé dans une armure gravée d’éclairs et de runes de jugement. Silencieux. Impassible. Son regard couleur d’acier fixait le vide, plongé dans une réflexion implacable. Sparda, massif et titanesque, l’armure rouge martiale encore marquée de suie, se tenait debout d’un côté de la table, aux côtés de Satanachia, auréolé de ses constellations muettes. La domination rouge, vêtue d’un manteau d’astres effrangé, n’avait pas prononcé un mot depuis le début.
Mais les voix s’élevaient déjà. Les ducs des Tharsis étaient furieux.
— Nous parlons ici d’un coup de force ! lança l’un d’eux, le halo crachant des étincelles de réprobation. Nariel était un command’aile loyal, légitimé par la Milice de la Mère et vos propres décrets, Majesté !
— Et désormais el est mort, appuya un autre. Tué dans une arène sous les hourras d’une foule fanatisée par un Fitzarch de vingt-huit cycles ! Ce n’est pas de l’ordre, c’est de l’agitation populaire. Une révolution !
— Ce gamin dirige les Labyrinthes, et personne ici n’a été consulté ! Pas même nous, qui gardons les frontières de ce puits à démons depuis des millénaires !
Sparda croisa les bras, son aura vibrante comme un volcan contenu.
— Nariel a perdu un duel rituel. Conformément aux lois de Guebourah. Michaël l’a défié. El a gagné. Point.
— Michaël n’avait pas l’autorité de déclencher un tel duel ! gronda le duc de Pavonis. Et el n’aurait pas dû être envoyé là-bas sans supervision.
♂ — Vous oubliez ce que Nariel couvrait, murmura alors Satanachia.
Les voix s’interrompirent. Tous tournèrent lentement leurs regards vers le Prophète des Étoiles.
— Une hérésie ancienne, dit-el, les yeux mi-clos. Des azohim libérées. Des forges interdites. Des vérités qu’aucun élohim de votre rang n’aurait tolérées s’el les avait connues.
— Quelle hérésie ?! s’emporta un des ducs. Des mots vides. Des murmures. Toujours tes prophéties, Satanachia. Ton verbe sibyllin qui justifie toutes tes manigances.
♂ — Ce que vous appelez manigance, je l’appelle orientation, répondit-el doucement. Michaël devait aller là-bas. Nariel devait tomber. Le futur avait besoin de cette rupture.
— Le futur ?! rugit l’archange Kolariel d’Arsia. Tu joues avec les destinées comme s’il s’agissait de pions. Et tu entraînes Sparda avec toi !
Sparda gronda.
— Je ne suis le pion de personne. J’ai envoyé Michaël parce que je l’ai jugé prêt. Et parce que les Labyrinthes n’ont jamais eu la direction qu’ils méritaient. Aujourd’hui, ils la tiennent. Vous devriez vous en réjouir.
Un silence tendu s’installa. C’est alors que la voix de Camaël résonna enfin, aussi tranchante qu’un couperet.
— Assez.
Le silence fut total. Tous les regards convergèrent vers le roi.
— La guerre contre la Horde Aubastronomica a déjà emporté une centaine de bastions. Cette guerre est différente. Plus ancienne. Plus désordonnée. Plus abyssale. Elle ne se gagne pas par les moyens d’hier.
El baissa lentement la tête.
— Les Cieux entrent dans une nouvelle ère. L’ordre ancien vacille. Les prophéties de Satanachia sont, qu’on le veuille ou non, des repères dans cette nuit.
Un murmure parcourut l’assemblée.
— Michaël Fitzarch a peut-être fait ce qu’aucun de vous n’a osé : reprendre les Labyrinthes. Et pour l’instant, el tient. Alors nous le laisserons faire.
Un soupir. Puis :
— Mais si el tombe, ce seront vos troupes qui devront reprendre ce qu’el aura perdu.
Satanachia sourit à peine. Les ducs se turent, mais la colère ne s’éteignit pas. Sous les runes sacrées du Palais, un souffle de discorde flottait. Le royaume ne craquait pas encore. Mais il grondait.