Chapitre 9

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La lumière glauque des couloirs clignotait faiblement lorsque Michaël et Léoniel pénétrèrent dans la salle des machines. Leurs pas résonnaient sur le sol de métal nu, réverbérés par les parois bardées de câbles et de tuyaux cristallins aux fonctions oubliées.

— T’es sûr de toi ? murmura Léoniel, les yeux fouillant les hauteurs obscures, la main déjà posée sur son arme.

— J’ai vérifié les cristaux de surveillance, répondit Michaël à voix basse. Asmodée est entré ici… et el n’en est jamais ressorti. Pareil pour ses trois compagnons. Et ce qui m’inquiète le plus, c’est que quelques puissances de Nariel sont entrées juste après. Elles non plus ne sont jamais revenues.

Léoniel blêmit.

— Tu crois qu’els les ont… éliminés ici ?

Michaël ne répondit pas. El avançait lentement, son halo pâle battant au rythme de sa concentration. Les machines dormaient autour d’els, mais leur inertie avait quelque chose de mensonger. Certaines structures semblaient… respirer. Lentement. Comme si elles attendaient.

— Je déteste cet endroit, marmonna Léoniel. C’est pas naturel.

Michaël s’arrêta devant une arche écroulée, aux parois gravées de runes binéennes érodées. El effleura l’une d’elles du bout des doigts. Une vibration lui remonta dans le bras, ténue mais bien réelle. El ferma les yeux un instant.

— Quelque chose est encore actif. Ou alors… en veille.

El écarta quelques câbles arrachés, révélant un puits étroit s’enfonçant dans l’obscurité. El passa une main au-dessus : de fines inscriptions apparurent à la lumière de son halo. Des lignes fractales, semblables à celles utilisées dans les anciens systèmes de téléportation.

— Là, souffla Michaël. Je crois qu’el est passé par là.

— Asmodée a utilisé un de ces téléporteurs ? demanda Léoniel. C’est complètement suicidaire !

— Pas si el y était contraint.

Michaël s’agenouilla, posa la paume sur le panneau latéral du puits. Un faible écho lui répondit. Non pas une voix… mais un soupçon de présence. Un halo lointain, comme suspendu entre les mondes.

— El a laissé une trace, chuchota Michaël. Asmodée est vivant. Je le sens.

— Alors qu’est-ce qu’on attend ? On le suit ?

Michaël recula.

— Non. Pas encore. Si ce portail fonctionne mal, on pourrait se retrouver dispersés dans les Labyrinthes… ou pire. Il nous faut comprendre où il mène, et comment le stabiliser.

— Et on fait comment, pour ça ?

Michaël se releva, son regard brillant d’une lumière nouvelle.

— On s’infiltre chez Nariel et on fouille ses affaires. El sait forcément ce qu’il s’est passé.

El jeta un dernier regard aux machines endormies.

— Et si ce que je pressens est vrai… alors on vient de poser le pied sur le seuil d’un très vieux secret.

Mais soudain, un souffle, une lame, une ombre surgit sans prévenir.

La puissance en armure noire fondit sur Michaël comme une vrille de nuit, lame d’obsidienne haute levée. Mais avant même que le coup n’atteigne sa cible, Léoniel s’interposa. Sa hallebarde décrivit un arc étincelant, et la tête de la puissance roula sur le sol, suivie d’un corps qui s’effondra dans un bruit sourd.

— Bordel, cracha Léoniel. Els nous attendaient…

Michaël haleta, les mains tremblantes. El s’agenouilla brièvement, posant une main sur la dépouille encore chaude.

— El n’a pas attaqué par hasard, murmura-t-el. El gardait… quelque chose.

Léoniel suivit le regard de Michaël. Une fissure dans le mur. Une porte discrète, presque invisible, rendue visible par le sang de la sentinelle. Els franchirent le seuil. Ce qu’ils découvrirent fit taire jusqu’au battement de leurs cœurs : les forges azohiennes.

Là, sous les entrailles de la forteresse, reposait un sanctuaire interdit. Des colonnes de cristal noir soutenaient une voûte constellée de runes vivantes. De gigantesques matrices forgées dans la pierre et le cristal semblaient éteintes, mais certaines pulsaient faiblement, comme des cendres sous la cendre. Partout, des cocons d’incubation, d’antiques braseros éteints, des écrans runiques. Et, au fond… les fresques.

Michaël s’approcha, les jambes soudain faibles.

Des azohim. Représentées non pas comme les mères recluses qu’el avait toujours connu; mais en action. En liberté. Chacune peinte avec une grâce féroce. Certaines chantaient au sommet de tours. D’autres combattaient aux côtés des puissances. D’autres encore guidaient des foules d’élohim. Des prêtresses. Des sages. Des reines.

— Que font ces azohim hors des sanctuaires ? s’étonna Léoniel. C’est étrange, elles font des choses réservées aux élohim d’habitude…

Michaël chancela. Ses mains glissèrent le long de la fresque. Une larme, puis deux, puis des torrents. El recula, submergé.

Et soudain, la douleur devint colère.

Un éclair mental déchira son esprit. Phosphoros apparut dans une brume orange, ses longs cheveux de feu flottant comme un drap dans le vent cosmique. Son regard était incandescent.

— HÉRÉSIE ! HÉRÉSIE ! OUBLI ! TRAHISON !

Les mots résonnaient dans tout son corps, fracassant les certitudes de Hod, les enseignements d’antan, les mantras répétés dans les amphithéâtres immaculés. Michaël tomba à genoux. Puis, quelque chose bascula. Un rire. Haut. Cristallin. Trop clair, trop vaste pour tenir dans une bouche simplement élohienne. Michaël se redressa d’un coup, les yeux écarquillés, le souffle court.

— Elle est proche ! s’écria-t-el. Je le sens ! Elle est là, elle respire encore !

— Michaël ? Michaël ! tenta Léoniel, inquiet. Qu’est-ce que tu racontes ? Reprends-toi !

Mais le Fitzarch recula, ses ailes vibrantes de lumière, ses yeux fous d’éclats bleus.

— Il faut lever les armées. Il la retrouver ! Tous ensemble ! Nous allons la retrouver, Léoniel ! Tu comprends ? Les ténèbres n’ont qu’à bien se tenir !

— Michaël, attends !

Trop tard. Le Fitzarch bondit, ses pas résonnant dans les couloirs interdits, filant vers la surface, vers le ciel de bataille.

La salle stratégique était vide, plongée dans une demi-obscurité traversée de lueurs rougeoyantes. Les œufs de vertus connectés au réseau EL pulsaient faiblement, comme des cœurs endormis. Michaël entra seul. El marchait d’un pas rapide, presque glissant, le souffle court. El ne tremblait plus. Son halo crépitait silencieusement, rétracté, incandescent. El s’arrêta devant la grande table d’obsidienne. Une seconde, el ferma les yeux. Puis el étendit ses mains.

La table s’illumina. Le réseau EL entier, celui des Labyrinthes de la Nuit, se déploya dans l’espace. Des milliers de lignes de lumière, des bastions, des canaux de communication, des nœuds psychiques. Michaël s’y fondit. Son halo jaillit, immense, envahissant les canyons comme un feu sacré.

Élohim des Labyrinthes…

La voix de Michaël résonna dans les têtes. Dans chaque bastion, chaque fortin, chaque recoin noirci par la guerre. Elle était douce, mais impérieuse. Un feu qui ne criait pas, mais brûlait.

— Trop longtemps, nous avons subi. Trop longtemps, nous avons lutté sans comprendre. Aujourd’hui, j’ai découvert la vérité.

Dans les postes avancés, les command’aile se redressèrent. Des vertus en soins levèrent la tête. Les puissances aux avant-postes suspendirent leurs patrouilles. Dans le réseau, les visages mentaux des gradés se mirent à apparaître : carrés, austères, fatigués.

— Une hérésie rôde dans les Labyrinthes. Pas une hérésie démoniaque… Une hérésie intérieure. Une dissimulation. Une manipulation. J’ai vu ce qui dormait sous nos pieds.

Michaël projeta des images mentales. Les forges. Les fresques. Les cocons azohiens.

Un silence sidéré s’installa.

— Ce lieu fut autrefois un sanctuaire pour ceux qui ne respectaient pas ma volonté, expliqua Michaël sans même réaliser ce qu’el disait, une voix autre prenant possession d’el. L’hérésie, c’est que les azohim ont été tirées hors des sanctuaires, utilisées comme des élohim, détournées de leur rôle sacré d’incubatrices pour devenir soldats, prêtresses, guérisseuses… Alors que j’avais donné un ordre clair : jamais cela.

Certains command’ailes protestèrent mentalement.

— Qui t’a autorisé à fouiller ?

— Tu n’es pas ici pour déclencher une guerre intérieure !

— Ce que tu as vu n’était peut-être qu’un reliquat sans importance…

Mais Michaël poursuivit.

— Je ne suis pas venu semer la discorde. Je suis venu rallumer la lumière. Car je suis Michaël Fitzarch, hôte de Phosphoros, avatar du Porteur de Lumière !

Autour de la table, le réseau vacilla. Et soudain… une seconde aura s’éleva. Un éclat. Une flamme.

Phosphoros.

Son ombre flamboyante apparut dans l’éther du réseau : silhouette jeune, incandescente, couronnée de feu. Des ailes de lumière, et des yeux bleus qui transperçaient l’âme. Une vibration traversa tous les bastions.

Les puissances tombèrent à genoux.

— Le Porteur de Lumière…

— Phosphoros…

— C’est donc el…

Un à un, les halos des bastions s’inclinèrent. Les vertus se mirent à pleurer. Les puissances levèrent leurs armes, frappèrent leurs poitrines, entonnèrent d’antiques chants de guerre. Même les plus sceptiques, même les vieux guerriers qui n’avaient jamais cru aux légendes… crurent.

Mais une aura resta figée, froide, noire : Nariel. El se tenait là dans le réseau, le visage fermé, les ailes repliées.

— C’est une folie, dit-el simplement. Tu ne sais pas ce que tu fais. Tu es en train de réveiller ce qui doit rester endormi.

Michaël ne répondit pas. El ferma les yeux, ressentant l’adhésion de tout un royaume de l’ombre, enfin illuminé.

— Préparez-vous. Nous allons reconquérir les Labyrinthes.

La réponse vint, froide et tranchante, portée par une voix qu’aucun écho ne pouvait altérer, celle de Nariel.

— Fitzarch. Tu crées la confusion. Tu sèmes l’agitation dans un territoire déjà fragilisé. Je t’ordonne de cesser immédiatement cette transmission. Rappelle ton halo. Calme-toi. Et soumets-toi à mon autorité, comme il se doit.

Michaël, pourtant encore tremblant, se redressa davantage. El leva lentement le menton, ses yeux phosphorescents s’ouvrant comme des abîmes.

— Vous saviez, murmura-t-el dans le réseau. L’hérésie existe. Nous l’avons vue. Des azohim hors des sanctuaires, employées comme des élohim, souillées dans leurs fonctions sacrées. C’est une abomination. C’est une trahison des ordres du Porteur de Lumière. Vous saviez, Nariel. Vous avez couvert cette hérésie. Vous l’avez dissimulée à tous les bastions. Et maintenant, vous exigez que je me taise ?

Une onde glacée parcourut l’ensemble du réseau EL. On sentait que des milliers de consciences se connectaient, suspendues, attentives. Des command’ailes silencieux. Des vertus ébranlées. Des puissances figées en vol. Nariel resta un instant sans répondre. Puis sa voix retentit de nouveau, plus dure, plus aiguisée.

— Ce n’est pas de l’hérésie. C’est de l’Histoire. Une vérité ancienne, une justice bafouée, que la couardise a enterrée. Et tu n’es pas le Porteur de Lumière. Tu n’es qu’un enfant, possédé par un feu ancien qui t’égare.

Mais Michaël ne vacilla pas. Son halo s’enflamma davantage, doré comme l’aurore, et derrière lui, dans le réseau, une autre lumière s’éleva. Immense. Inconnue et familière. L’aura de Phosphoros. Ce fut comme si les étoiles elles-mêmes s’étaient mises à hurler. Phosphoros parla, non en mots, mais en éclairs d’absolu : colère, fidélité trahie, sentence divine. Nariel chancela intérieurement, mais n’en laissa rien paraître. El redressa les épaules dans le réseau, puis, d’une voix cinglante :

— Que ce spectre retourne à la poussière ! Que Phosphoros soit maudit pour l’éternité ! C’est sa folie qui a brisé nos royaumes ! C’est sa loi qui a détruit nos liens ! Je ne plierai pas devant lui une seconde fois.

Un silence glacial tomba. Puis la lumière de Michaël, fusionnée à celle de Phosphoros, éclata en milliers de filaments. La table stratégique vola en éclats. Des fragments d’obsidienne, illuminés par les runes, jaillirent dans tous les sens, rebondissant contre les murs saturés d’ondes mentales. Le réseau EL grésilla, tremblant sous l’affrontement de deux consciences brûlantes. Michaël bondit en arrière, sa tunique lacérée, son halo réduit à une traînée palpitante. Dans sa main, un simple couteau rituel scintillait faiblement, chargé de ses bénédictions. Son filet de lumière flottait encore dans l’air, tentant de perturber les harmonies du halo de Nariel.

Mais cela ne suffisait pas.

— Tu ne peux pas gagner, gronda Nariel, avançant lentement au milieu des débris, son épée tronçonneuse en main. Sa lame vibrait, déchirant l’espace en grognements infernaux. Tu es le feu. Moi, je suis la roche qui ne fond pas.

Michaël hurla, tendit les mains, et relâcha une onde de distorsion dans l’air. Son filet se reconfigura en un tourbillon d’ondes chaotiques, visant les centres d’équilibre mentaux de Nariel. L’atmosphère se vrilla, la réalité vacilla sous la pression. Nariel chancela brièvement, un genou à terre. Mais el se redressa aussitôt, ses pupilles sombres dilatées, la Résistance Mentale des Puissances repoussant le parasitage comme une pierre rejette la pluie.

Et el frappa.

Michaël para de justesse, mais le choc le projeta contre un pilier. Son dos heurta la rune maîtresse de la salle, qui explosa dans un cri psychique. Son souffle se coupa. El tenta de se relever, mais son aura vacillait. Son halo, jusque-là flamboyant, se recroquevilla autour de lui. Son couteau lui échappa. Nariel s’approcha lentement, les bottes claquant sur le sol détruit. Son épée tronçonneuse tournait déjà, affamée.

— Phosphoros…, siffla Nariel. Tu n’es qu’une relique. Une cicatrice affreuse. Il est temps de la refermer pour de bon.

Michaël leva les yeux. Son souffle rauque, son regard tremblant. El ne sentait plus ses ailes. Plus ses cœurs. Juste le froid.

Quand soudain, une silhouette s’interposa.

— Assez.

Léoniel.

La puissance était descendue du balcon supérieur, ailes grandes ouvertes, yeux brûlants. Son halo, d’ordinaire discret, rugissait maintenant comme un fleuve de lave bleue. El se posta entre Michaël et Nariel, sa lance d’acier céleste brandie à deux mains.

— Je vous défie, Nariel. Selon les rites de Guebourah. Duel de commandement. C’est mon droit.

Nariel s’arrêta net.

Autour d’eux, les runes endommagées frémirent. Le réseau EL se figea. Tous les bastions connectés lurent cette scène.

— Tu es sûr ?, murmura Nariel, d’un ton presque calme.

— Je suis sûr, répondit Léoniel, sans trembler.

Derrière el, à genoux, Michaël tendit la main, ses yeux brouillés de sang et de lumière.

— Léoniel… non…

Mais déjà, la salle se préparait, car Guebourah allait juger.

Je renonce à l’hérésie, sur ma route vers la Divinité

La nuit régnait sur les Labyrinthes, lourde et absolue. Dans l’ombre rougeoyante, une vaste arène naturelle avait été dégagée, cernée de gradins taillés à même la roche volcanique. Tout autour, une foule silencieuse s’était massée. Des puissances et des vertus, issus de tous les bastions, leurs halos suspendus dans l’obscurité comme des lanternes vivantes. Aucun feu, aucune lumière artificielle, seulement cette constellation d’âmes pour éclairer l’instant.

Au centre de l’arène, deux figures s’avançaient lentement.

Léoniel, droit, tendu, une lance de feu noir dans les mains. Son armure était sobre, marquée de cicatrices récentes. Son halo pâlissait sous la pression, mais ne flanchait pas.

En face, Nariel, immobile. Une silhouette d’obsidienne, drapée dans un silence minéral. El tenait à la main une massive épée tronçonneuse, hérissée de dents spirituelles. Chaque vibration de la lame faisait résonner l’air comme un râle de forge.

Un silence sacré enveloppait le public, suspendu à l’instant.

— Que la nuit soit témoin, dit une voix dans le réseau EL. Que le duel suive la Tradition de Guebourah.

Une onde mentale s’éleva : l’accord rituel. Les deux combattants s’inclinèrent brièvement.

Et le combat commença.

Nariel bondit le premier. Une explosion de vitesse, sa Célérité fendit l’espace. Léoniel para à grand-peine, son corps projeté en arrière. El roula, se releva en haletant, et contre-attaqua. Sa lance fila comme l’éclair. Mais Nariel l’avait déjà anticipée, esquivant d’un pas presque paresseux, avant de frapper à nouveau. La lame rugit dans l’air, un cri métallique qui fit trembler les parois de l’arène.

La Potence de Nariel surpassait celle de Léoniel. Chaque coup aurait pu pulvériser un mur. Léoniel résistait, mais peinait à suivre. Sa Célérité, bien qu’honorable, n’égalait pas la vivacité létale de son adversaire.

Michael, debout à l’écart, les poings serrés, vit Léoniel chanceler.

Alors el tendit les mains. Un filet de lumière jaillit de ses paumes. Il entoura Léoniel, lentement d’abord, puis comme une vague irrésistible. Des bénédictions s’y tissèrent : fermeté d’esprit, rapidité, régénération.

— Non ! tonna Nariel. C’est contraire à la Tradition ! Ce combat doit rester pur !

Michael leva les yeux vers le ciel de halos, puis parla dans le Réseau :

— Que ceux qui me soutiennent l’expriment. Phosphoros ne peut laisser périr celui qui se bat pour la Vérité.

Un long silence, puis une explosion de voix mentales. Des milliers de halos s’illuminèrent à l’unisson. La majorité, émerveillée, électrisée, envoûtée par l’aura divine du Fitzarch, se rallia. Une poignée seulement répondit à Nariel. Des vertus vinrent vers el, liant leur halo au sien. Mais leur lumière pâlissait déjà.

Le combat reprit.

Léoniel, transfiguré par les bénédictions de Michaël, gagna en vivacité. Sa lance dansait comme un éclair. El esquivait mieux, parvenait à frapper juste. Le public haletait à chaque échange. Le sol de l’arène tremblait sous leurs pieds.

Nariel grinça des dents. El frappa encore, plus fort, plus vite. Mais Léoniel tint bon. Sa Résistance mentale tenait sous la rage. El priait Michaël sans parler, et Michaël tissait en retour, un filet après l’autre, un halo après l’autre.

Puis vint le coup.

Une ouverture. Minuscule. Léoniel la vit. Sa lance fendit l’air dans un cri clair.

Nariel recula, en sang. Un genou au sol.

— Tu… triches… grogna-t-el.

— Non, dit Léoniel. Je suis guidé. Et toi… tu es seul.

Nariel tenta un dernier assaut, une frappe désespérée. Léoniel bondit. Et dans une explosion de lumière, el planta sa lance dans la poitrine du command’aile.

Nariel s’écroula.

Le silence qui suivit la chute du command’aile fut total, comme si même les Labyrinthes avaient retenu leur souffle.

Alors, Michaël s’avança.

El posa une main sur l’épaule de Léoniel, qui s’agenouillait déjà près du corps du command’aile vaincu. Léoniel, sans un mot, redressa doucement la silhouette de Nariel. El l’allongea dignement sur une dalle de pierre sombre, croisant les bras de l’ancien commandant, puis ferma ses yeux de ses doigts couverts de sang. Enfin, el inclina la tête et murmura une prière, non pas de vengeance, mais de passage. Car même la traîtrise trouve sa paix dans le Berceau.

Au-dessus, les halos des spectateurs vibraient et Michaël s’éleva. Son corps s’arracha lentement du sol, porté par un courant invisible, une spirale d’ondes lumineuses. Son halo, d’ordinaire mauve, s’embrasa soudain d’un feu orange incandescent, l’aura de Phosphoros. Non pas une lumière froide, éthérée… mais chaude, vibrante, pleine de passion, de désir, d’appel. L’amour et la fureur mêlés.

Une clameur mentale, incontrôlable, secoua la foule. Certains tombèrent à genoux, les larmes aux yeux. D’autres se prirent dans les bras. Plusieurs, même, éclatèrent en sanglots de soulagement. Ce n’était plus un duel. C’était une révélation.

Les cœurs battaient à l’unisson.

ÉLOHIM DES LABYRINTHES ! lança Michaël, sa voix répercutée dans le Réseau EL. Entendez-moi ! Je suis PHOSPHOROS ! Aspect guerrier du Porteur de LUMIERE !

Sa lumière se répandit au-dessus des gradins, serpentant dans les fissures, s’enfonçant dans les canyons. Même les bastions lointains captèrent son onde, son rayonnement.

— Je suis Michaël Fitzarch, enfant du Grand Architecte, élève de Hod, hôte du porteur de la Lumière ! Moi et Léoniel, fils de Madim, prenons aujourd’hui le commandement des Labyrinthes de la Nuit !

Des acclamations mentales jaillirent, en vagues exaltées.

— Trop longtemps, vos âmes ont pourri dans l’oubli. Trop longtemps, vos efforts ont été réduits au silence. Trop longtemps, on vous a dit d’endurer, de plier, de survivre sans comprendre pourquoi !

Son halo devint un brasier. Des plumes tombèrent de ses ailes comme des étincelles, consumées dans l’air.

— Mais moi, je vous dis : nous allons rallumer la flamme ! Nous allons raviver l’ordre. Reforger la gloire de l’Age d’Or. Et un jour, effacer définitivement la nuit !

Un choc émotif parcourut les rangs. Certains vertus éclatèrent de rire nerveux. D’autres, debout, le poing sur le cœur, hurlèrent à travers le Réseau. Et Michaël, au cœur du tumulte sacré, sourit. Car l’amour et la foi, à cet instant, n’étaient plus des mots. Ils étaient des ailes.

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