À Madim, un éclat blanc et or fendit l’horizon, déchirant les vents acides du Gueb et les nuées cendreuses des monts de Tharsis. Les canyons des Labyrinthes de la Nuit, si longtemps engloutis sous la brume et la malédiction, s’embrasèrent soudain de lumière. Une vague de feu sacré, vaste et incandescente, balaya les ténèbres avec une lenteur solennelle, comme une marée divine venue laver l’injure du monde.
Les cités volcaniques de Guebourah frémirent. Les ophanim s’affolèrent. Le réseau EL se satura en quelques instants de flux visuels, mentaux, spirituels. Partout, dans les places publiques de Madim, dans les postes d’observation d’Olympus, dans les palais des Monts de Tharsis, les élohim levèrent la tête. Et els virent l’aube surgir des entrailles de la nuit.
Dans la salle du Conseil de Guerre de Camaël, le silence devint absolu. Le roi de Guebourah se leva lentement, son manteau de guerre traînant sur le sol orné de symboles runiques. Face aux vitraux de lumière vivante, el contempla l’explosion divine comme on contemple un retour impossible. À ses côtés, Satanachia souriait, mains croisées derrière le dos, son aura calme mais électrique.
— Eh bien, murmura le roi. Le miracle a eu lieu.
— C’était écrit entre les étoiles, répondit la domination, paisiblement.
Sparda, adossé à un pilier, bras croisés, soupira bruyamment.
— On va avoir du boulot maintenant. Tout le royaume va vouloir suivre son éclat.
Autour d’els, les archanges-ducs, qui quelques jours plus tôt fulminaient contre cette “croisade improvisée”, ne disaient mot. Leurs halos pâlis vacillaient d’émotions contradictoires. Certains étaient livides. D’autres, déjà, calculaient comment s’aligner au plus vite sur ce renversement historique. Un des ducs murmura enfin, les yeux humides :
— Ce n’est pas une victoire militaire. C’est une théophanie.
Satanachia ne dit rien. Mais dans son esprit, les étoiles se réalignaient.
Dans les cités des Monts, les sanctuaires volcaniques, les métropoles d’obsidienne et d’acier, la nouvelle se propagea à la vitesse de la lumière.
— Michaël Fitzarch a nettoyé les Labyrinthes.
— Phosphoros est revenu.
— El a parlé à travers son feu.
Des millions de halos s’embrasèrent d’une ferveur nouvelle. Les élohim affluèrent dans les cathédrales de l’Ecclésia, où le culte d’EL et du Porteur de Lumière se tenait. Les séraphins déclamèrent des hymnes passionnés, baignant tout le monde dans un incendie de Feu Sacré. Dans les forteresses, les puissances se redressèrent, galvanisées. Et dans les nids, même les azohim furent mises au courant. Des nuées d’ophanim jaillirent d’Olympus et des autres bastions, filmant, enregistrant, chantant, amplifiant.
La lumière fut projetée dans les mondes-fleurs de Tiphéreth, les archives de Chokmah, les cités maritimes de Netzach, les palais miroir de Yesod, jusque dans les mondes nids reculés de Malkouth. Le monde céleste contemplait une chose qu’il n’avait pas vu depuis des millénaires : un miracle. Un véritable miracle.
Azakal redevint silencieuse. Pas ce silence de mort qu’imposent les ténèbres, mais un silence sacré, vibrant, où chaque pierre semblait retenir son souffle. L’air, purifié par le feu sacré, pulsait d’une lumière dorée, douce comme l’aube sur une mer d’ambroisie. Plus aucune souillure. Plus aucun hurlement. Les démons avaient été réduits en cendres. Et la citadelle avait retrouvé l’ordre.
Au centre de la cour intérieure, Michaël, encore essoufflé, tenait entre ses mains le noyau réunifié de Kokab, tiède contre sa paume. Son halo vacillait, encore chargé des restes de l’effusion divine. Une larme silencieuse roulait sur sa joue.
— Je suis désolé… murmura-t-el, sans savoir si c’était pour Kokab… ou pour el-même.
— Tu as fait ce que tu devais faire, dit Asmodée, la voix fatiguée, le visage blême, mais le regard brillant d’intelligence. El posait une main sur l’épaule de Michaël, son souffle encore court. Grâce à toi, els sont tous en vie.
Michaël se tourna vers el. Des dizaines de milliers de blessés jonchaient les bords du bastion, mais leurs halos luisaient toujours. Aucun ne s’était fait dévorer. El avait réussi. Els avaient tenu.
— Et Kokab ? demanda Michaël. Elle est… ?
— …Encore incomplète, répondit Asmodée avec lenteur. Mais le feu a éveillé quelque chose. Son silence n’est pas un refus. C’est une… transition.
Un bruissement d’ailes interrompit leur échange. Léoniel atterrit avec fracas dans la cour, poussière et lumière mêlées dans ses plumes sombres. El se précipita, son armure encore noircie, les mains ensanglantées.
— Michaël !
Sans attendre, el enlaça le Fitzarch avec force, le serrant contre son plastron, ignorant le regard des autres élohim qui émergeaient peu à peu du bastion.
— Je t’ai cherché partout. Tu as failli me tuer de peur, espèce d’imbécile incandescent !
Michaël laissa échapper un rire nerveux, le front collé à l’épaule de Léoniel.
— Je suis là, murmura-t-el. Je suis là.
Au loin, les troupes s’étaient rassemblées dans l’enceinte purifiée. Et quelque chose avait changé. Leurs halos avaient pâli durant les combats, rongés par l’angoisse et la fatigue. Mais maintenant, els flottaient, vibrants, harmonisés les uns aux autres comme un chœur de clarté.
Une vertu s’agenouilla. Puis une autre. Puis une puissance. Un cercle se forma dans la cour. Et sans mot d’ordre, sans cri, un chant s’éleva. D’abord bas, hésitant, puis fort, comme un fleuve brisé retrouvant son lit. Un chant pour EL. Un chant pour le retour de Phosphoros.
Michaël, debout entre Asmodée et Léoniel, leva les yeux vers les fresques environnantes. Là, sur les arches, les azohim gravées dans la pierre dansaient et chantaient, les bras tendus vers le ciel. Et les élohim au sol faisaient de même, imitant sans le savoir un culte ancien, oublié, retrouvé.
☿ — Détruisez-tout.
Le chant s’élevait encore quand Phosphoros parla. La voix résonna dans l’esprit de Michaël, plus tranchante que jamais, brûlante de certitude. El tressaillit, les yeux écarquillés. El tourna lentement la tête, contemplant la cour sacrée, les fresques, les azohim figées dans la pierre. L’écho du feu sacré vibrait encore dans l’air, comme un dernier souffle de mémoire.
— Non… murmura Michaël, les lèvres sèches. Non, pourquoi ? On vient de…
☿ — Ceci est une hérésie, trancha Phosphoros. Une déformation de l’Ordre du Tikkun. Des souvenirs qui n’auraient jamais dû survivre. Les azohim n’étaient pas destinées à cette liberté. À cette folie. Et tu le sais.
Michaël chancela. Son poing se serra sur le cristal noir, encore chaud du feu sacré. Asmodée et Léoniel échangèrent un regard inquiet.
— Michaël ? Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Léoniel.
Mais il n’y eut pas de réponse. Pas vraiment. Car Phosphoros prit le relais. Les yeux de Michaël s’illuminèrent, deux astres oranges. Sa voix, désormais habitée, s’éleva au-dessus du chant des vertus.
☿ — Préparez les vaisseaux. Chargez les canons. Cette forteresse est corrompue. Elle doit être effacée de la surface des Labyrinthes.
Un murmure d’incompréhension parcourut les troupes. Mais cette incompréhension fut rapidement balayée. Car les halos s’enflammèrent à l’unisson, captifs d’une ferveur qu’els ne comprenaient pas. Phosphoros parlait à travers Michaël, et personne n’osa désobéir. Des ordres fusèrent, précis, implacables. Les vaisseaux redécollèrent, les vertus et les puissances remontèrent à bord comme en procession. Léoniel tenta de saisir Michaël par l’épaule.
— Attends. Ce n’est pas toi qui parle, là. Ce n’est pas ce que tu veux.
— C’est ce qu’il faut faire, répondit Michaël, d’une voix vide.
Asmodée, pâle, resta figé, les yeux rivés sur les fresques, qui ornaient aussi les canyons alentours. Sur le visage d’une azoha dansante, désormais fracturée par une fissure de lumière.
— Elles… elles étaient magnifiques, souffla-t-el.
Mais déjà, le ciel s’embrasait. Les canons rugirent. Les bastions, les arches, les sanctuaires, les salles cristallines, tout fut réduit à néant dans une tempête de feu sacré. Les fresques explosèrent, les vitraux hurlèrent. Une seconde purification, totale, irrévocable. Et dans le cœur de Michaël, une voix sanglotait. Mais ce n’était pas la sienne. C’était Kokab.
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La destruction d’Azakal passa inaperçue. Dans le tumulte des Cieux, nul ne s’émut d’un bastion effacé. Pour la population et même pour la plupart des command'ailes élohim, il ne s’agissait que d’un dernier acte de purification, un incendie sacré balayant les dernières impuretés démoniaques. L’onde flamboyante qui avait illuminé la nuit rouge des Labyrinthes avait éclipsé toute trace de doute. Et dans l’euphorie de la victoire, personne ne questionna l’ordre. Les vertus chantaient encore les louanges de Phosphoros. Les puissances scandaient le nom de Michaël. Tous criaient à l’aube revenue, au Royaume restauré. Dans les bastions reconquis, on érigeait des stèles, on gravait des hymnes dans la pierre et le cristal.
Michael revint à Varon-Kel, dans la salle stratégique. Autour de la table d’obsidienne vibrante, les command’ailes des bastions rassemblés faisaient le point. Les cristaux suspendus aux voûtes projetaient des cartes holographiques, détaillant les zones purifiées, les poches de résistance restantes, les canyons dont la purification était à venir. Les runes indiquaient clairement une chose : un tiers des Labyrinthes avait été nettoyé. Un exploit que l’Histoire n’avait jamais connu.
Michaël, le regard dur mais calme, observait les lignes. El ne souriait pas. El ne fêtait rien. Son aura était sobre, contenue, comme un feu sous la cendre.
— Nous n’allons pas nous arrêter, déclara-t-el. Nous continuerons jusqu’à ce que plus un seul démon ne subsiste dans les Labyrinthes. La purification n’est pas terminée. Elle vient seulement de commencer.
Les command’ailes acquiescèrent, certains enthousiastes, d’autres inquiets, mais tous unis dans leur foi nouvelle. Léoniel, lui, garda le silence. El fixait Michaël d’un œil voilé, guettant les moindres signes de fatigue, d’effondrement. Et puis, soudain… Le halo de Michaël vacilla. El se pencha en avant, une main sur la table.
— Michaël ? s’inquiéta Léoniel, avançant d’un pas.
Michaël voulut parler, mais sa gorge ne produisit aucun son. El tenta de reprendre appui… puis s’écroula, foudroyé par une épuisement absolu. Un silence glacé s’abattit sur la salle. Les command’ailes figés, incapables de comprendre. Michaël, ce soleil qui tenait tout, gisait maintenant inconscient, le souffle court, la peau pâle, le halo réduit à un filament orange pulsant lentement. Léoniel s’agenouilla aussitôt, prit el dans ses bras, et murmura, inquiet :
— El a tout donné… Fallait bien que ça casse à un moment…
Dans le halo tremblant de Michaël, quelque chose luttait pour rester éveillé. El fut transporté dans l’hôpital de la forteresse.
La lumière de l’infirmerie baignait la pièce d’une teinte orangée, tamisée par les vitres cristallines. Les oeufs médicaux pulsaient lentement, bercés par les oscillations du réseau EL. Dans l’un d’eux, Michaël reposait. Son halo s’était affaibli, mais il brillait encore, étrangement stable, comme suspendu dans un souffle surnaturel.
Léoniel était là, assis à côté de l’oeuf, l’armure encore poussiéreuse. El fixait Michaël depuis des heures, les bras croisés sur les genoux, le regard brûlant de questions. El avait attendu que les vertus soignantes se retirent. Attendu que le silence s’épaississe. Alors, el posa la paume contre le verre du cocon, au niveau des cœurs de Michaël.
— Je sais que tu m’entends, murmura-t-el.
Un léger frisson parcourut l’oeuf. L’air vibra. Et dans ce tressaillement imperceptible, la voix de Phosphoros s’infiltra, douce, ardente.
☿ — Léoniel… fidèle soldat. Tu n’as pas à t’inquiéter.
Léoniel serra les dents, la gorge nouée.
— Je t’en prie. Laisse-le respirer. Tu tires trop sur la corde là ! El s’effondre à peine le combat terminé. Tu vas le brûler.
☿ — El brûle déjà, répondit Phosphoros dans un souffle tendre. Mais ce n’est pas moi qui l’enflamme. C’est son propre désir. Son feu. Je ne fais que le suivre.
— Tu le galvanises, tu le consumes, rétorqua Léoniel, les yeux humides. Et el t’adore, je le vois. El se sent invincible quand tu es là. Mais el est jeune… trop jeune.
Un silence. Puis Phosphoros répondit, sa voix voilée d’une tristesse infinie :
☿ — Tu crois que je ne le vois pas ? Tu crois que je ne l’aime pas ? Michaël… Michaël est la lumière que j’attendais depuis une éternité. El est pur. El est courage. El est capable de porter ce que nul autre ne pourrait. Je l’élève. Je ne le détruis pas.
— Alors donne-lui du répit. Laisse-le… être el-même. Juste quelques heures. Juste une nuit sans visions, sans cris, sans feu dans ses veines.
Un soupir léger flotta.
☿ — D’accord, concéda enfin Phosphoros. Ce soir, je me tairai. Qu’el rêve. Qu’el respire. Qu’el t’aime. Ce sera notre petit pacte.
Et dans le cocon, le souffle de Michaël s’apaisa. Léoniel, soulagé, baissa la tête, puis chuchota simplement :
— Merci.
El resta là, jusqu’à l’aube. Sa main toujours posée contre le cristal. Sentinelle fidèle, amant inquiet.
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La lumière pâle de l’infirmerie filtrait à travers les lamelles cristallines. Michaël émergea lentement, ses cœurs battant au ralenti, son souffle englué dans le souvenir d’un feu lointain. El entrouvrit les paupières, reconnut les runes de stase, la chaleur familière de l’œuf médical.
El était vivant.
Un frisson le traversa. Pourquoi ? El aurait cru que Phosphoros, fort de sa victoire, aurait pris le relais. Qu’el aurait soufflé son esprit comme on éteint une bougie, ne laissant que sa lumière. Mais non.
— Tu es encore là, murmura Michaël, les yeux levés vers le plafond de cristal.
La réponse ne tarda pas. Une chaleur dans son esprit, une caresse dans son âme.
☿ — Oui. Je suis là.
Michael réalisa que pour la première fois, el s’adressait consciemment, à tête reposée, au primordieu qui nichait en el.
— Tu as toujours été là ? demanda-t-el.
☿ — Oui. Je suis né avec toi. J’ai grandit avec toi, à mon rythme. Et récemment, je me suis éveillé de nouveau au monde, grâce à toi.
Michael accusa le coup de cette révélation.
— Pourquoi… pourquoi es-tu en moi ?
☿ — J’ai été mis là par ton Père, le Grand Architecte. Qui est mon frère par ailleurs… Dans le but de me ressusciter. Tout simplement.
Michael laissa échapper un ricanement.
— On dit que tu as disparu à la fin de la Seconde Brisure. Et te revoilà…
☿ — Exactement, sourit Phosphoros.
— Donc je suis ton hôte.
☿ — Dis comme ça, ça fait de moi un parasite ?
— Non !
☿ — Tu es mon colocataire, s’amusa Phosphoros. On partage un corps.
— Tu aurais pu me remplacer, réalisa Michael. Prendre le contrôle du tout et m’étouffer. Pourquoi tu ne l’as pas fait ?
Un silence. Puis, dans une voix de braise :
☿ — Parce que je n’ai pas besoin de te remplacer.
— Est-ce par gentillesse… ou par nécessité ? demanda Michaël, méfiant.
☿ — Peut-être l’un, peut-être l’autre. J’ai juste pas envie.
Michaël ne répondit pas. Son halo crépita doucement. Une excitation mêlée d’effroi gonflait dans ses veines. Un tel pouvoir. Une telle mission. El allait pouvoir sauver des millions de vies. Et mourir en martyr, seulement le jour où el ne pourrait plus rien faire de plus.
— Tu es réveillé.
Léoniel entra, encore vêtu de son armure de patrouille. El s’assit près du lit, le regard inquiet.
— Tu as dormi deux jours. Tu aurais dû dormir deux semaines. Tu es encore en feu, Michaël. Il faut que tu…
— Je vais bien, coupa doucement Michaël.
— Non, tu ne vas pas bien. Tu te la joue comme un dieu. Tu rayonnes comme un astre. Mais à l’intérieur… Je le vois, Michaël. Je te connais.
Michaël sourit, presque amusé.
— Tu es excessivement sentimental pour une puissance. C’est une anomalie statistique.
Léoniel détourna les yeux, peiné. Michaël tendit la main et la posa sur son bras.
— Mais j’aime cette anomalie, murmura-t-el.
Un silence les enveloppa. Puis une autre voix surgit de l’entrée :
— Phosphoros…
Asmodée, les ailes froissées, la toge tâchée de poussière, s’avança d’un pas souple.
Michaël, encore allongé, tourna lentement la tête. Mais ce fut Phosphoros qui répondit à travers el, dans un timbre grave et calme :
☿ — Ce bastion était une hérésie. Une menace pour l’équilibre des Cieux. Sa seule existence suffisait à justifier sa destruction.
Asmodée blêmit.
— Mais… les fresques ? Les forges ? Les azohim libres ? Ce n’était pas… démoniaque.
☿ — Ces représentations d’apparence innocentes étaient le symbole d’une hérésie.
— Laquelle ?! s’impatienta Asmodée.
Phosphoros soupira.
— Je veux savoir aussi, déclara alors Michael. Pas de secrets entre nous. C’est la moindre des choses.
Un silence lourd tomba.
☿ — Il y a huit millénaires, une influence démoniaque a soulevé les azohim contre les élohim. Je vous laisse imaginer les conséquences. Une guerre civile a suivi. Cela a mené à la Seconde Brisure. Voilà.
Michael, Asmodée et Sparda restèrent un instant ébahis.
— C’est pas dans les livres d’Histoire ça, finit par lâcher Asmodée.
☿ — Non, c’est un peu trop explosif, rétorqua Phosphoros. C’est pour préserver la paix et l’ordre que j’ai donc fait détruire Azakal, témoin de cette guerre civile oh combien dévastatrice.
Un nouveau silence.
☿ —Voilà donc la vérité. Cela vous satisfait ?
— Je crois que j’en ai assez pour aujourd’hui, dit Michael.
Asmodée, les regards perdus, perturbés, sortit de la pièce sans un mot. Michaël se redressa lentement. Léoniel resta assis à ses côtés.
— J’ai tellement de questions, murmura Michaël. Mais là, j’ai l’impression que ma tête va exploser.
☿ — Nos esprits sont pas encore habitués à échanger. Ça grille un peu les neurones.
Michaël serra les dents. El savait qu’il y avait plus que cela. Mais déjà, son esprit faiblit, glissant vers le sommeil.
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Le lendemain, les command’ailes se rassemblèrent dans la salle stratégique. Michaël, revenu à sa place, déploya le nouveau plan. La purification des Labyrinthes allait commencer officiellement. Des cartes entières se reconfigurèrent. Des flèches, des fronts, des bastions à reconquérir. Chaque nom gravé d’une lumière nouvelle. L’armée se leva, comme un seul halo. Et dans la salle stratégique, le réseau EL s’illumina d’un éclat nouveau.
D’un bout à l’autre des bastions, des stations relais, des bastilles souterraines aux salles de commandement suspendues aux parois, un frisson parcourut les strates mentales. Les vertus, les puissances, les chérubins en poste, tous sentirent le souffle d’un événement. Une onde ancienne. Quelque chose que même les plus anciens n’avaient jamais connu.
Une connexion.
Dans la salle stratégique de Varon-Kel, le cœur administratif des Labyrinthes, Michaël se figea. Son halo pulsa. Devant el, le cristal principal s’ouvrit comme une fleur froide, et une voix rugueuse emplit l’espace.
— Fitzarch ! T’es vivant !
Le timbre bourru de Sparda résonna dans le réseau avec la subtilité d’un séisme. Partout dans Guebourah, les hautes sphères connectées au canal d’élite du réseau EL se figèrent. Olympus, Madim, les Monts de Tharsis, même le Palais de Camael. La Cour. Les ducs. Les command’ailes. Les dominations. Les puissances. Les vertus. Tous virent l’échange se matérialiser en données claires, irradiées d’une autorité directe. Pour la première fois depuis la Seconde Brisure, une communication était établie entre les Labyrinthes de la Nuit et le reste du royaume.
— T’as fait du bon boulot, Michaël. Même si t’as foutu un sacré bordel. T’as ravivé un tiers des Labyrinthes. Et j’ai pas encore eu besoin de venir te ramasser à la cuillère. Alors on va dire que tu tiens ton rôle.
Michaël ne répondit pas immédiatement. El sentait les regards mentaux posés sur el, comme des milliers de flammes silencieuses dans le noir.
— Je ne fais que faire mon devoir, répondit-el humblement, mais sa voix portait, calme et claire, à travers les ténèbres.
— Ouais, ouais. Enfin bref. J’viens t’donner un ordre officiel.
L’atmosphère se tendit.
— Au nom de l’archange-roi Camael, seigneur de Guebourah, j’t’investis de l’autorité de nettoyer les Labyrinthes. Entièrement. Bastion par bastion. Jusqu’à ce qu’il n’y reste plus une seule putain de trace des ténèbres.
Un souffle traversa tout le réseau. Des cœurs s’arrêtèrent. Des halos frémirent. Un ordre historique, scellé devant toute la hiérarchie. Sparda conclut :
— Tu es désormais le bras de la reconquête. Les Labyrinthes sont ton terrain. Et que personne ne vienne foutre son nez dedans sans passer par toi. J’me suis battu pour cette décision. Tu me fais pas regretter de t’avoir gardé en vie, Fitzarch. Pigé ?
☿ — C’est pigé, dit Michaël.
Mais ce n’était pas seulement Michaël qui avait répondu. C’était aussi Phosphoros, derrière sa voix, dont l’aura se propagea comme une onde d’incendie sur tout le réseau. Et partout, les élohim, les officiers, les stratèges, les archivistes et les chanceliers comptèrent désormais avec le nom de Michaël Fitzarch.