Chapitre 3

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Sous la statue de l’Ordre des Astres se trouvait une porte monumentale, taillée dans le flanc du volcan. Lourdement gardée par des troupes de puissances et des nuées d’ophanim, elle donnait accès au QG de la Milice de Madim. Les navettes qui escortaient Michaël s’approchèrent. Les ophanim les scrutèrent longuement, scannant l’intérieur des habitacles, lisant les halos des occupants. La corruption des ténèbres écartée, le convoi pu entrer. Léoniel reçut des instructions via le réseau EL pour conduire ses navettes dans les immenses cavernes rouges et rocheuses d’Olympus. Après quelques minutes de vol, le convoi arriva finalement sur une grande esplanade, bondée d’élohim.

C’est quoi ce bordel ? gronda Léoniel.

Des principautés, constata Michaël.

C’était en effet une marée agitée de halos verts qui occupait la place.

Que font-elles ici ? Comment sont-elles entrées ? marmonna Léoniel.

Ce sont des journalistes, révéla alors Nana.

Léoniel et Michaël se tournèrent vers la vertu de Géhenna.

Elles ont été invitées ici pour couvrir ton arrivée, révéla-t-elle au Fitzarch.

Quoi ? s'emporta Léoniel.

Michaël se prit la tête entre les mains, les coeurs serrés par l’embarras. Son halo mauve se fit tout petit.

C’est une catastrophe ! s’exclama Léoniel. C’était pas dans les plans !

Sparda est au courant, affirma Nana.

Mensonge !

Écoute soldat, râla Nana. L’arrivée de Michaël est un espoir inédit pour le royaume. Cela fait des dizaines d’années qu’un Fitzarch n’a pas daigné risquer sa peau ici. La population doit être au courant.

Et comment je fais pour assurer la sécurité de Michaël face à cette foule de saltimbanques ?! paniqua Léoniel. Je sais comment sont les principautés !

Nana a raison, dit alors Michaël. Si mon arrivée peut apporter de l’espoir aux guébouréens, c’est une bonne chose de la diffuser. Mais je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été mieux organisé.

Nous n’avons obtenu l’accord de Sparda que tardivement, révéla Nana.

Léoniel, que pouvons-nous faire pour atterrir correctement ? demanda Michaël.

Évacuer cette foule, dit le soldat.

Nous pourrions la contenir, proposa Michaël. Dégager un espace pour atterrir et se tracer un chemin vers l’issue.

L’endroit est bondé, gronda Léoniel. Je crains un mouvement de foule.

En bas, des puissances de la milice contenaient difficilement les principautés journalistes. En voyant le convoi arriver, des nuées d’ophanim s’étaient levées dans les airs et bourdonnaient maintenant partout, masquant la visibilité. Els filmaient, enregistraient, se battaient pour avoir les meilleures images du Fitzarch, diffusées en direct sur les chaînes du réseau EL.

Je peux utiliser mon filet pour gérer la foule, proposa Michaël.

Nana sourit.

Mais il y a trop de monde, déplora Léoniel. Els sont des milliers !

Michaël étendit ses mains et lança son filet de lumière, qui passa à travers la coque de la navette pour se poser sur les milliers de halos. Tous les élohim présents, qu’els soient au sol ou dans les airs, furent délicatement cueillis par le filet.

Élohim ! appela Michaël, sa voix portée par son filet. Je suis Michaël Fitzarch ! Nouveau command’aile vertueux de la Milice de Madim ! Faîtes moi de la place pour atterrir, et je répondrai à vos questions !

Les principautés acclamèrent le Fitzarch, l’appelant hystériquement.

Faîtes fonctionner votre esprit de ruche élohim ! ordonna Michaël. Que la moitié d’entre-vous décolle pour libérer de l’espace sur l’esplanade, merci !

En quelques minutes, les élohim obéirent, guidés par les indications de Michaël. Léoniel resta bouche-bée. Ses collègues en bas, saluèrent Michaël, soulagés.

C’est terriblement efficace, constata Léoniel.

C’est l’art des vertus, affirma Nana.

Le convoi pu enfin atterrir. Les puissances de la Milice l’entourèrent pour contenir la foule. Michaël descendit, la mine fermée, concentrée. Le Fitzarch calcula chacun de ses pas, mais alors qu’el avançait, Léoniel le saisit par la taille et le jeta sur son épaule.

AH !

Le soldat s’envola et fila vers l’issue.

AH ! Tu fais quoi ! paniqua Michaël.

On a pas le temps pour les journalistes ! Sparda nous attend !

Non ! Léo !

Indignée, la foule brisa le barrage des puissances et fondit sur Michaël. La célérité des principautés surpassa celle de Léoniel. Dans un dernier geste avant la fin, la puissance balança le Fitzarch vers la sortie avec une force surnaturelle.

AAAAAH !

Michaël fit un vol plané spectaculaire et atterrit pile sur la sortie. Les grands soldats de la Milice le traînèrent à l’intérieur, et refermèrent les portes derrière el. Sonné, le Fitzarch resta assis sur le sol.

Non mais je rêve, pesta-t-el.

La puissance l’avait jeté comme un fétu de paille. Sa force était déconcertante.

Ça va ? Tu es tout rouge, s’amusa alors quelqu’un.

Michaël leva les yeux et découvrit un nouveau venu. Un éloha aux halos de flammes bleus et au corps couvert d’yeux. Un chérubin donc, qui aida le Fitzarch à se remettre sur pieds.

Wow, tu es grand, constata Michaël.

Grand et large d’épaules. Étonnant pour un chérubin, se dit Michaël.

Tu ne vois de chérubins souvent, moqua l’inconnu.

C’est pas faux, avoua le Fitzarch. Qui es-tu ?

Ah, désolé, je me suis même pas présenté, ria le chérubin. Je suis Asmodée Camaëlis, des chérubins de la Milice de Madim.

Michaël observa le grand Asmodée “Camaëlis”. C’était donc un fils de l’archange-roi de Guebourah : Camaël. Un prince, rien que ça. El était drapé dans un manteau bleu-roi. Ses longs cheveux couleur azur rappelaient ceux de l’Ordre des Astres. Mais sa peau était étonnement foncée pour un guébouréen. El ressemblait à un habitant des royaumes supérieurs, où la lumière d’EL assombrissait le teint des élohim.

Bienvenue dans notre QG, salua Asmodée. Le trajet s’est bien passé ?

Michaël réprima une grimace. Entre l’attaque des ténèbres, le passage au temple de Géhenna et le vol plané qu’el venait de faire, el avait connu meilleur voyage. A sa mise, Asmodée le comprit et ricana.

Désolé ! Guebourah n’est pas un royaume de villégiature je le crains, admit le chérubin.

Je sais bien, dit Michaël. Le principal c’est que je sois enfin arrivée à destination. Ça fait des années que j’attends ce moment.

C’est ce que j’ai entendu dire…

Asmodée sourit et guida Michaël dans la caverne volcanique. A tire d’aile, els traversèrent d’immenses galeries de roche rouge, gravées de fresques guerrières. Des milliers de puissances en armure circulaient en ces lieux. Asmodée expliqua ce qu’els faisaient là. Le QG de la milice de Madim était un centre de commandement où se décidaient les actions militaires dans la capitale et sa région. Les soldats venaient y prendre leurs ordres, s’équiper de la plus haute technologie élohienne d’armement, avant de se déployer dans la région pour des mois durant, voire plus. La menace démoniaque s’infiltrait dans la cité forteresse et nécessitait une présence constante des puissances, des monts de Tharsis au pied d’Olympus.

Tout cela est très centralisé, constata Michaël. Les soldats viennent prendre leurs ordres ici ? Mais le transport des troupes dans la région est difficile. Faire des allers-retours entre Olympus et la région me semble sous-optimal.

Nos ressources sont davantage en sécurité ici qu’à l’extérieur, révéla Asmodée.

Vous n’avez pas les vertus nécessaires pour faire fonctionner un tel système d’approvisionnement. Qu’avez-vous fait des renforts que Hod vous a envoyé ces dernières années ?

Les vertus que nous importons ont la fâcheuse manie de mourir sur le front en soignant nos guerriers, révéla Asmodée.

Vous devriez en garder quelques-unes pour coordonner vos mouvements, conseilla Michaël.

C’est à Sparda qu’il faudra en parler, se défaussa Asmodée. Moi je ne suis que son équipementier.

Tu fournis les armes, armures et

— …les vaisseaux, les systèmes cristallins, continua Asmodée.

Depuis combien de temps tu es le command’aile des chérubins de la Milice ?

Je ne le suis pas, avoua Asmodée. Je suis un simple chérubin de la milice.

Ah, comme tu es le fils de l’archange-roi je pensais que…

J’imagine que je pourrai prendre le commandement d’une chorale mais ça ne m’intéresse pas, révéla Asmodée. Je suis un expert, pas un manager.

Je vois, ria Michaël. C’est gentil d’être venu m’accueillir tout en sobriété en tout cas. J’espérais bien ne pas avoir a gérer des mondanités à mon arrivée ici.

Ah… Au fait…

Asmodée et Michaël arrivèrent devant une grande porte. En la franchissant, els entrèrent dans un vaste hall de réception, richement décoré, contrastant avec la rudesse des cavernes du QG. Là, dans ce lieu fastueux, une assemblée de nobl’ailes attendait. Els se tournèrent tous en direction de Michaël, certains avec de grands sourires, d’autres avec la mine grave, le regard impatient. Et au milieu de cette assemblée, dominant la foule par sa taille et son ampleur, le rouge et pâle Satanachia se tenait là, ravi.

♂ — Bonjour Michaël Fitzarch ! Bienvenue chez moi !

Eh ! s'exclama Michaël. Que fait-el ici ?!

Asmodée laissa échapper un rire grave.

♂ — Je suis venu t’accueillir pardi ! s’amusa Satanachia.

Mais ! Vous étiez à Tiphéreth !

♂ — Et maintenant je suis ici. N’est-ce pas formidable ?

Satanachia est un guébouréen, rappela Asmodée. Olympus est sa résidence principale. El partage son temps entre ici et le Palais d’Argent.

Qu… Ah non mais je rêve…soupira Michaël, qui pensait ne pas avoir à subir la présence du monstre sanglant. J’ai rendez-vous avec Sparda, s’empressa-t-el de rappeler à la grande domination cramoisie.

♂ — Tu as rendez-vous avec moi… enfin… avec nous d’abord, décida Satanachia.

Michaël observa la foule. Il y avait des nobl’ailes, des dominations surtout et quelques puissances. En s’approchant d’els, Michaël réalisa qu’els portaient l’odeur du Sang d’Adam. Ou bien était-ce juste Satanachia qui empestait ? Difficile à dire. Que voulaient ces élohim ?

♂ — Ton arrivée ici est attendue avec impatience depuis des années, expliqua Satanachia. Alors j’ai invité mes amis ici pour qu’els viennent te rencontrer.

J’ai pas le temps pour ça ! s’indigna Michaël.

♂ — Voilà qui n’est pas très poli, s’inquiéta Satanachia.

Ah, mais vous qui avez toujours vécu dans des palais royaux, vous devez comprendre les nécessités de la Cour, jeune Michaël Fitzarch, ria alors une voix azohienne.

Surpris, Michaël vit alors émerger une grande azoha de la foule. Drapée dans une robe bleue, elle avait la peau sombre, les cheveux argent. Elle était suivie par une dizaine de demoiselles très apprêtées.

Je suis Perséphonia, matriarche du gynécée de Camaël, annonça l’azoha. Je suis ravie d’enfin vous rencontrer.

Oh celle-là, je sais ce qu’elle veut, réalisa Michaël, les coeurs serrés d’angoisse et de frustration.

Moi et mes demoiselles souhaitions vous souhaiter la bienvenue. Regardez, elles sont belles n’est-ce pas ?

Quelle subtilité, mère, s’amusa Asmodée.

Oh non, non et non, paniqua Michaël. A peine débarqué els veulent déjà me marier !

Tu m’as conduit droit dans un piège ! s’indigna le jeune Fitzarch, s’adressant à Asmodée.

J’ai juste fais ce que ma mère m’a demandé…

Hey. Il se passe quoi ici ?

Derrière Michaël surgit soudain Léoniel, qui débarqua dans le salon, confus.

Ah ! Léoniel, sors-moi d’ici ! ordonna Michaël.

La puissance observa le petit cirque de Satanachia quelques instants avant de balbutier :

Euh… Oui, bon aller, Sparda t’attends.

Michaël s’empressa de tourner les talons. Mais alors qu’el allait franchir la porte du salon, une petit voix :

Michaël !

Le Fitzarch se retourna instinctivement. Son regard croisa celui d’une demoiselle-azoha aux yeux rubis et aux cheveux de feu, souriante et pétillante. Troublé par sa beauté irréelle, Michaël resta pantois un instant. L’azoha en profita. Sautillant, elle lança son foulard mauve en direction du Fitzarch. Le tissu, porteur de faveur, atterrit droit sur le visage de Michaël.

Bonne chance Michaël ! Bonne chance ! s’écria la demoiselle.

Marilka ! s’indigna Perséphonia.

Les demoiselles se mirent à glousser. Perséphonia les sermonna. Satanachia, el, lança un regard noir à Marilka, mais Michaël ne le remarqua pas. Le Fitzarch retira le foulard de son visage et fuit, entraîné par Léoniel.

Léoniel conduisit Michaël au cœur du QG, s’enfonçant plus profondément dans le volcan. Els volèrent au dessus de cavernes magmatiques, où dans des rivières ardentes circulaient des petites âmes en chemin vers l’incarnation. Curieux, Michaël s’en approcha, mais une petite âme lui sauta dessus pour le mordre.

Aie !

Attention, elles sont énervées ici, ria Léoniel. Les anges les plongent dans les flammes pour les titiller un peu.

Je vois ça…

Un groupe de d’anges de la miséricorde s’approcha alors du Fitzarch. Reconnaissant là le fils du Grand Architecte, el l’observèrent avec des yeux tout ronds. Michaël, el, garda son attention sur les âmes. Plongées dans la lave, elles semblaient devoir endurer un feu purificateur. Leur résilience était ainsi formée, brisant leurs illusions pour exposer leur vraie force. Alors qu’el remontait vers les hauteurs, Michaël sentit qu’el serait bientôt plongé dans une telle épreuve.

Après quelques minutes de vol, Léoniel fit entrer Michaël dans une grande caverne peuplée de vertus et de puissances. Penchées sur des tablettes de cristal, els coordonnaient les activités de leur maître autour d’une immense table stratégique. Michaël sourit face à cette vue familière. Au bout de cette caverne, se trouvait le bureau de Sparda, derrière une immense double porte. Léoniel accompagna Michaël jusqu’au seuil.

Tu m’abandonnes ici ? sourit Michaël, masquant son appréhension.

Tu dois rencontrer Sparda seul, confirma Léoniel.

Un conseil à me donner ?

Eh bien… Mon père est l’incarnation de la fureur d’Olympus, prévint la puissance. Ne t’attends pas à un échange cordial.

Michaël leva un sourcil circonspect.

El a quelque chose contre moi ? demanda-t-el.

El va te mettre à l’épreuve, avertit Léoniel.

Ah… Je comprends, grimaça Michaël. Le Jugement.

Léoniel acquiesça.

Bonne chance.

La puissance décolla. Michaël poussa el-même les portes monumentales du bureau, et entra.

Le Fitzarch découvrir une pièce immense, bien plus grande que nécessaire pour un bureau, presque une salle de commandement miniature. Les murs étaient taillés directement dans la roche volcanique d’Olympus, sombres et striés de lignes rouges luminescentes, comme des veines incandescentes serpentant sous la pierre. L’air était lourd, chargé d’odeurs de métal brûlé et d’une subtile fragrance de cendres et de soufre. Un silence absolu régnait, seulement troublé par le ronronnement lointain des écrans tactiques.

Où est Sparda ?

Au milieu de la pièce trônait un immense bloc d’obsidienne gravée, noir comme la nuit, orné de runes militaires guébouréennes. Il faisait deux fois la taille de Michaël. Des tablettes de cristal étaient empilées dessus, servant d’écrans tactiques projetant des hologrammes de la guerre en cours, des cartes de Madim constellées d’alertes rouges et de prévisions de pertes. Pourquoi cette table stratégique était-elle si haute ? Michaël recula, confus.

C’est là qu’elle aperçut la tête du colosse.

Penché au-dessus de quelque chose, Sparda émit un grognonnent agacé.

Cette immense table stratégique c’est… son bureau ! réalisa Michaël.

FITZARCH !

Michaël sursauta. Sparda se leva d’un seul coup. Pris d’un vertige, la jeune vertu tomba à la renverse. Un montagne venait de se dresser devant el. Et la montagne rugit :

SAIS-TU COMBIEN D’ÉLOHIM SONT MORTS A MADIM CETTE SEMAINE ?

Michaël recula encore, emplis d’autant d’effroi que d’émerveillement. Dépassé, el ne put que balbutier.

Je… euh… ah….

CINQ MILLIONS !

Ok Michaël, reprends-toi, s’ordonna le Fitzarch.

C'est un million de plus que la semaine dernière répondit Michaël. Mais ce n'est pas votre record.

Un éclair traversa le regard de Sparda. Le colosse saisit sa tablette de cristal 68 pouces et la lança sur Michaël.

AH !

Le Fitzarch esquiva à peine le missile, qui s’écrasa contre la porte de pierre juste derrière.

Camelote, râla Sparda, sa voix grondant comme Olympus. Asmodée va m'entendre.

Sonné et choqué, Michaël se retint de gémir comme un imbécile. El se releva, déterminé à ne pas échouer face au jugement du command’aile-titan.

Les chiffres ne sont pas bons, je le sais, je les ai étudié intensément ces cinq dernières années, affirma calmement le Fitzarch. Je ne suis pas venu ici en touriste. Je suis ici pour servir et conseiller

Ha ! Mais pour qui el se prends celui-là ? gronda Sparda.

Michaël osa lever les yeux pour observer le colosse. Sparda était bel et bien l’incarnation d’Olympus, un titan rocheux rouge de la tête au pied, dans son armure-terminator. Son visage buriné, couronné d’un énorme halo de fer pulsant, affichait un courroux diabolique.

Je suis Michaël Fitzarch, vertu-militante

T'es un GAMIN ! Els m'ont envoyé un GAMIN !

Le halo bleuté de Sparda devint rouge vif. La puissance colossale était au bord d’une éruption de colère. Les coeurs de Michaël se serrèrent de frustration, mais son halo grandit. Refusant d’être sous-estimé, el déclama dans une longue tirade :

Je suis jeune certes mais je suis un Fitzarch. Je possède une puissance innée. Grâce à la science archangélique du Grand Architecte, j'ai en moi la graine de Sandalphon, comme si el était mon père. De plus, j'ai reçu la meilleure éducation qu'une vertu puisse espérer auprès de l'archange-prince Raphael, génie de la thaumaturgie. Puis j'ai servi cinq ans dans la chorale Astra Strategica de Padmilia, où j'ai pu développer mes capacités logistiques et organisationnelles.

Sparda se mit à ricaner, son rire résonnant dans son immense stature. El s’approcha de Michaël, ses pas faisant trembler l’univers, et se pencha sur el. Michaël glapit, recula, mais ne put s’échapper. El s’y refusa.

Et sur quels fronts as-tu combattu ? demanda le command’aile, un sourire carnassier aux lèvres.

Euh... J'ai combattu à Malkouth, répondit Michaël.

CORRECTION ! hurla Sparda, déchaînant une tempête sur Michaël avant de moduler sa voix. Tu as fais quelques sorties à Malkouth entre deux fêtes sur la barge de plaisance de ton archange-prince !

J'ai tout fait pour combattre un maximum ! se défendit Michaël. Mais c'est pas comme si on m'avais laissé faire ! On m'a surprotégé pour préserver ma graine. Mais je sais que par mes dons et mon éducation, je suis spécial, et je compte bien rendre cela utile au front ! Je sais déjà comment je pourrai vous aider.

Tu crois comprendre la guerre ?! s’emporta Sparda. Attends de voir une marée de cent millions de démons écraser tes troupes sous tes yeux pendant que tu hurles des ordres que personne n’écoute ! Attends de sentir l'espace-temps vibrer sous leurs assaut, le ciel s’ouvrir sous leurs hurlements ! Tu crois que tu es spécial, gamin ?! Ici, tout le monde est spécial. Et tout le monde crève pareil.

Écoutez. Je sais que je n'ai pas d'expérience comparé à vous, un vétéran de la Seconde Brisure, avoua Michaël. Vous avez plus de huit mille ans de combat derrière vous, moi je n'ai que 28 ans. C'est assez drôle comme contraste. Mais je vous promets que si vous me laissez combattre, si vous me laissez servir, je serai efficace. Je suis prêt à m’entraîner s'il le faut, à apprendre, mais surtout, à agir.

Sparda recula enfin. Michaël reprit son souffle. Le colosse retourna derrière son bureau et s'assied en lâchant un râle difficile. Pensif, el grommela, sans rien dire.

Je serai redoutable sur le ciel de bataille, continua Michaël. Et j'ai déjà des idées pour améliorer la logistique dans la capitale. Je pense que c'est indispensable qu'on se penche là-dessus. Je vous promets, je vous décevrais pas

Sparda grommela encore et lâcha finalement :

Prie surtout que ne pas décevoir Satanachia

Pris de cours, Michaël s'indigna. Son regard glacial s’emplit de furie.

Je ne suis pas là pour servir les intérêts politiques de cette domination !

Tu es là grâce à el. Donc tu es là pour el. Tu devrais le comprendre.

Je suis là pour vous affirma Michaël.

Roh, comme c'est touchant fit Sparda en levant les yeux au ciel.

Je suis sérieux…

WWWEEEEEEHUUUUU WEEEEEHUUU

Une alarme se mit soudain à retentir. Michael sursauta, effrayé. Sparda râla.

Que se passe-t-il ? s’inquiéta Michael.

Des démons ont pénétré le centre-ville.

Quoi ?!

Reste ici Fitzarch, ordonna Sparda. Je dois partir au combat !

Dans un bourrasque qui manqua de renverser Michael, le command’aile se précipita hors de son domaine. Michael tenta de le suivre, mais el tomba sur Léoniel et se stoppa. Ce dernier patientait au milieu d’une foule de vertus administratives agitées.

Tu ne pars pas ? demanda le Fitzarch.

Je suis sous tes ordres, rappela la puissance.

J’aimerais comprendre ce qu’il se passe, souffla Michaël. Il y a des démons en ville ?

Une horde de ténèbres est remontée des cavernes volcaniques souterraines, expliqua Léoniel. Ils viennent tout droits des canyons des labyrinthes de la nuit et s’infiltrent jusqu’ici.

Léoniel emmena Michaël devant un des nombreux écrans stratégiques présents dans l’antichambre de Sparda. Là étaient affichés les plans d’immenses complexes caverneux qui s’étendaient sous et autour d’Olympus, et dans toute la région des Monts de Tharsis. Les démons étaient bel et bien sous la terre, sous le désert rouge du Gueb, l’infestant comme un cancer, dont les métastases remontaient jusqu’au Sanctuaire Volcanique sacré.

C’est terrible ! s’affola Michaël, qui n’avait jamais vu telle infestation. Cela n’était pas indiqué dans mes recherches sur la situation !

C’est un développement récent, indiqua Asmodée.

Le chérubin venait d’entrer dans la grande salle. El rejoignit Michaël et Léoniel.

On en a pas parlé aux autres royaumes, ajouta Léoniel. Pas encore…

Sur les écrans stratégiques, Michael observa la Milice de Madim se déployer dans le centre-ville. Les forces de la Forteresse descendirent dans ses profondeurs, vers les fondations des tours et des bâtiments de plusieurs années lumières de haut. Tandis que les civils, els, étaient évacués vers les hauteurs. Mais la progression fut difficile. Les deux mouvements se heurtèrent dans une désorganisation totale.

Il n’y a pas de couloirs de circulation établis ? constata Michaël.

Si mais personne ne les respecte, dit Léoniel. Nous n’avons pas assez de vertus pour structurer les flux de la population. La panique prévaut sur les plans d’évacuation et la Milice doit faire avec.

Michaël grogna de frustration.

Il faut que je les aide sinon

Les démons remontaient à une vitesse terrible des profondeurs. Les élohim, els se bousculaient pour les fuir, gênant la Milice. Si cela continuait, un massacre allait avoir lieu.

Emmenez moi au combat, ordonna Michaël à Léoniel comme à Asmodée. Je vais déployer des filets pour guider tout le monde.

Léoniel et Asmodée échangèrent des regards étranges.

Quoi ? s’impatienta Michaël.

As-tu l’autorisation de Sparda pour te déployer sur le ciel de bataille ? demanda formellement Léoniel.

El ne m’a pas dit de rester les bras croisés, dit Michaël, conscient de mentir effrontément.

Tes vertus ne sont pas encore arrivées, rappela Léoniel. Tu ne peux pas les déployer.

Je n’ai pas besoin d’elles pour faire la différence. Je suis un Fitzarch. Je suis aussi puissant qu’une armée de cent mille vertus.

Léoniel ouvrit grand les yeux, pris de court.

Eh bien, sourit Asmodée. Et si nous mettions cette affirmation à l’épreuve ?

C’est risqué, prévient Léoniel.

Léoniel, emmène moi au combat, ordonna Michaël.

Euh… Je sais pas si…

On peut prendre un de mes véhicules, proposa Asmodée.

C’est décidé ! s’exclama Michaël. Allons-y !

Je renonce à mon obéissance, sur ma route vers la Divinité

Michaël et Léoniel volèrent à toute vitesse dans les cavernes de la Milice, suivant Asmodée tant bien que mal. Des milliers de puissances circulaient toutes en armure en direction de la baie d’embarcation, bloquant le passage. Els entonnaient des chants guerriers grondants, qui faisaient vibrer l’air tout autour. En dessous, dans les rivières de magma, les petites âmes voyageuses hurlaient de fureur. Il faisait une chaleur insupportable et étouffante. Asmodée fit remonter le flux à ses deux compères tant bien que mal.

— Il faut qu’on ailles à mon entrepôt ! s’écria le chérubin.

Michaël, grimaçant, observa les alentours en quête de la moindre vertu. Pas une seule n’était là pour guider les flux, ni même lancer des bénédictions fortifiantes sur les combattants.

— Même au QG il n’y a pas de support ?! s’indigna Michaël.

— On a des médecins dans notre hôpital, dit Léoniel.

— Où sont-els donc ?!

— Bah… A l’hôpital…

— Els devraient être en train de préparer les combattants !

— Els ont déjà beaucoup à faire avec les blessés !

Michaël se concentra sur le réseau EL, sur les torrents de halos bleus des puissances. Tendant ses doigts, el déploya un immense filet de lumière qui tomba sur tous les halos et commença à tisser alors même qu’el volait à toute vitesse. El envoya ainsi des ondes enflammées sur les combattants, boostant leur fureur, gonflant leur courage. Le filet s’étendit et s’étendit encore, englobant toutes les cavernes du QG sans difficultés. Léoniel, les yeux tous ronds, observa cela sans y croire. Asmodée quant à el, jubila. El convoqua des ophanim et vociféra des ordres. Les ophanim se rassemblèrent en ronde et ouvrirent un portail spatio-temporel, dans lequel Asmodée entraîna Michaël et Léoniel. Une seconde plus tard, les trois élohim atterrirent dans le domaine du chérubin. Michaël découvrit un immense hangar emplit de vaisseaux aux carlingues rouges. Des techniciens voletaient de partout, épaulés par des ophanim, pour conduire ces véhicules vers la baie d’embarquement. Cette dernière se situait au niveau inférieur. Michaël jeta un œil et fut prit d’un vertige. Des dizaines de milliers de vaisseaux décollaient au même moment, contenant chacun des milliers de puissances.

— Suivez-moi ! appela Asmodée.

Le chérubin grimpa dans une petite navette, qui pouvait accueillir à peine quatre élohim. Léoniel, très large, prendrait bien deux de ces places. Mais c’était suffisant.

— On va entrer sur le front avec ça ? s’étonna la puissance.

— On va pouvoir circuler entre les convois et se déployer rapidement, comprit Michaël.

— Exact ! jubila Asmodée. Accrochez-vous, c’est parti !

Asmodée prit le volant et décolla à toute berzingue. Filant bien au dessus des limitations de vitesse, el dépassa les vaisseaux de transport de troupes qui, si nombreux, avaient quant à eux bien du mal à circuler.

— C’est vraiment n’importe quoi, déplora Michaël. N’avez-vous pas de chérubins dans votre tour de contrôle ?

— Si, mais els sont peu nombreux, expliqua Asmodée. C’est pareil dans tous les chœurs ici. On est en sous effectifs et on fait de notre mieux avec le peu de ressources qu’on a.

— Comment la Forteresse des Cieux a-t-elle pu en arriver là ? demanda Michaël.

— Ne l’as-tu pas étudié ? rétorqua Léoniel.

Michaël soupira. Oui elle avait étudié la situation. El en connaissait les causes. Une guerre d’attrition sans fin, peu soutenue, qui avait finit par bouffer toutes les ressources du royaume. Mais voir la situation de ses propres yeux, cela faisait un tout autre effet que de l’étudier sur des tablettes de cristal.

La navette d’Asmodée fendit la brume rouge, piquant droit vers les profondeurs de Madim. Les tours titanesques de la capitale se dressaient autour d’eux comme des lances de basalte, zébrées des lignes d’énergie bleue de boucliers qui les protégeaient. En contrebas, un véritable chaos régnait : des civils fuyaient en masse, affluant vers les hauteurs, tandis que les troupes de la Milice tentaient de descendre pour contrer l’invasion démoniaque.

Michaël, concentré, se pencha vers l’extérieur, ses yeux brillant d’un éclat surnaturel. Son halo mauve s’élargit, vibrant dans l’air saturé de cendre. Un immense filet luminescent s’élança de ses paumes ouvertes, traversant la verrière du vaisseau pour se déployer sur toute la zone. Les halos affolés des civils furent happés par sa lumière douce.

— CITOYENS DE GUEBOURAH ! rugit Michaël, sa voix portée par le filet. JE SUIS MICHAËL FITZARCH, VERTU-MILITANTE ! SUIVEZ MES INSTRUCTIONS ET VOUS SEREZ SAUVÉS.

La stupéfaction frappa les élohim, qui s’immobilisèrent, cherchant le Fitzarch du regard. Qui était donc cette vertu ? Comment pouvait-elle déployer un si grand filet ?

— BOUGEZ ! Hurla Michaël, agacé. SUIVEZ-LES CHEMINS QUE JE TRACE !

La grande fuite des civils reprit. Michaël les jugula dans de grands couloirs lumineux, tracés par des filets intangibles. Les filets tracèrent des corridors de lumière dans les airs, indiquant où fuir, où s’arrêter, où coopérer. Michaël captura les esprits des civils dans des ondes oranges, supprimant chez els la panique et la surprise pour la remplacer par une concentration absolue et une résolve froide. Les flux de la foule commencèrent à se restructurer, comme une ruche apaisée. Cela fait, Michaël s’attaqua à renforcer les miliciens.

— Asmodée ! appela le Fitzarch. Appelle des ophanim. Dis leur de nous téléporter tout en bas.

— Oula ! Non ! s’opposa Léoniel. C’est beaucoup trop risqué de se rendre sur le front via un portail ! On risque d’atterrir en plein milieu d’une horde !

— On a pas le choix ! s’emporta Michaël. On est à des années lumières du front. Même si on pousse notre navette au maximum on y sera pas avant des heures. Nous devons rejoindre la première ligne !

— Rien que ça ?! s’exclama Léoniel. Nos vaisseaux eux-mêmes ne peuvent prendre le risque de voyager par portail. Les démons progressent trop rapidement !

— C’est du grand n’importe quoi, s’agaça Michaël.

Asmodée éclata de rire. Apparemment insensible aux risques, el invoqua des ophanim avoisinants pour leur faire ouvrir un portail.

— C’est partiii ! célébra le chérubin.

La brèche s’ouvrit dans un déchirement cataclysmique, arrachant un cri à Michaël. Et soudain, tout devint noir.

— Qu’est-ce que… ?

— Les ténèbres droit devant ! s’écria Léoniel.

Face aux profondeurs, Michaël découvrit une horde noire d’encre, monumentale et insondable, remontant dans la brume rouge. Le Fitzarch hoqueta face à cette vue cauchemardesque. Mais tout autour, les miliciens arrivaient, une vague toute aussi grande de halos bleus. A leur tête se tenait Sparda, immense étoile azur. Revigoré, Michaël redéploya son filet. Il s’étendit, encore, encore et encore, sur des centaines de kilomètres, puis des milliers, des millions, des milliards.

— Oh par EL ! s’affola Léoniel.

— Un miracle ! s’émerveilla Asmodée.

— Je vous avais prévenu, déclara alors Michaël.

Le Fitzarch s’éleva, se régalant de sa propre puissance. El tissa des ondes de gloire et de victoire, de beauté de force et de protection. Au contact de ces vibrations, les puissances de Guebourah se métamorphosèrent. Leurs corps comme leurs esprits grandirent, décuplant leurs capacités. Liés entre els, els purent rétablir un ordre, une organisation efficiente, optimisant leurs formations. Les puissances rugirent de plus belle, entre extase pour l’ordre et colère contre le chaos.

Mais la menace des ténèbres grandit elle aussi, exponentiellement. Elle allait s’écraser contre les élohim dans un clash apocalyptique. Michaël transféra son filet sur une seule de ses mains, pour de l’autre, en tisser un second.

— Filet d’arrêt, intensité maximale !

Michaël dressa ce nouveau filet démesuré contre la horde démoniaque, comme un mur de lumière. Les premiers démons, pris de vitesse, s’écrasèrent contre les mailles incandescentes, hurlant alors que leur essence ténébreuse se désagrégeait au contact de l’énergie du Fitzarch. Mais d’autres arrivaient par vagues.

— Tu es seul, Michaël ! s’écria Léoniel. Tu ne tiendras pas !

— Je tiendrai ! Juste assez longtemps pour briser leur élan !

Dans le ciel, des caméras ophaniques diffusaient la scène en direct sur les canaux du réseau EL. Tout Guebourah vit Michaël briller seul face au néant, affrontant les ténèbres.

— Je suis Michaël Fitzarch, né de la graine de Sandalphon, enfant de la guerre et de la lumière ! Démons ! Vous pensiez que Madim tomberait ? Que le volcan s’éteindrait ? Que les cendres recouvriraient nos chants ? FOUS QUE VOUS ÊTES ! Je ne suis pas un prince de la Cour mais un Feu de la Comète ! Chaque battement de mes ailes est un Ordre. Chaque mot, une Passion. Vous m’avez cru jeune, faible, jeté ici comme offrande. Mais c’est ici que je m’élèverai, et c’est ici que vous chuterez ! Car je n’ai pas été façonné pour plaire, mais pour briser. Pour défier l’impossible. Et vous, horde sans nom, allez apprendre ce qu’il en coûte de défier un enfant de prophétie !

Les démons poussèrent sur le filet, poussèrent encore et encore. Mais Michaël tint bon, au prix d’une douleur abominable. Ses doigts tirèrent, menaçant de s’arracher. Ses bras aussi, ses épaules presque déboîtées. C’est alors que son petit akshoka sortit de sa proche, s’éleva devant el. Comment prit d’une volonté propre, el attira la lumière des filets sur lui et la canalisa, prenant sur lui une grande partie de la tension. Soulagé, Michaël put redoubler d’efforts.

— Attention !

Un déchirement claqua dans la nuit. Lors de la transition, un maillon céda et laissa passer une énorme abomination. Celle-ci, ne perdant pas le nord, fondit sur Michaël. Léoniel s’interposa, mais l’élan du démon le projeta en arrière. Emporté par ses exploits, Michaël ne vit même pas la mort fondre sur el.

CLASH !

— RHAAAA !

C’est alors que Sparda surgit de nulle part. D’un seul coup de lance, el pourfendit l’abomination.

— ENTOUREZ LE FITZARCH ! ordonna-t-el à ses troupes. NE LAISSEZ PAS LES DÉMONS ABÎMER UNE SEULE DE SES PLUMES !

La Milice de Madim se déploya dans un rugissement enthousiaste et dans un fracas de fin du monde, percuta de plein fouet la horde des ténèbres.

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